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Dans une décision récente, le gouvernement fédéral a recommandé d’ajouter le triclosan à la liste des substances toxiques, sans toutefois en interdire l’usage comme l’ont fait les États-Unis. Or, cette situation pourrait transformer le Canada en une sorte de dépotoir, exposant ainsi les Canadiens à ce perturbateur endocrinien.
Conformément à la loi canadienne, le gouvernement fédéral envisage d’ajouter le triclosan à la liste des substances toxiques, sans toutefois que cette mesure permette le même niveau de contrôle que les États-Unis exercent sur cette substance.
Des études ont démontré que le triclosan, une substance antibactérienne, peut affecter la fonction thyroïdienne chez l’humain; il est de plus suspecté de contribuer à l’essor des bactéries résistantes aux antibiotiques (également appelées « superbactéries »). Cette substance chimique est toxique pour l’environnement, notamment pour les organismes aquatiques; c’est pourquoi son utilisation dans les savons pour les mains et le corps a été interdite par l’U.S. Food and Drug Administration en septembre.
Réalisée par des chercheurs basés aux États-Unis, une étude publiée dans le journal scientifique Environmental Science and Technology a révélé que les jouets de dentition pour les bébés libéraient du triclosan, de même que des bisphénols (dont le BPA) et des parabènes. J’ai discuté avec Avis Favaro de CTV News des implications de cette étude. Au Canada, aucune de ces substances chimiques n’est bannie des jouets de dentition, et le triclosan n’est actuellement banni d’aucun type de produits.
Les hormones thyroïdiennes jouent un rôle essentiel dans le développement et la maturation du cerveau. Le fait que le triclosan soit un perturbateur démontré des hormones thyroïdiennes et qu’il soit retrouvé dans les jouets de dentition est donc particulièrement préoccupant.
Dans son projet de décision, le gouvernement canadien entend exiger des entreprises qu’elles établissent des plans de prévention de la pollution de manière à réduire la quantité de triclosan libérée dans l’eau. Or, cette décision à courte vue pourrait faire en sorte que les produits contenant du triclosan, qui sont interdits aux États-Unis, se retrouvent sur les étalages des commerces canadiens, permettant ainsi à cette substance dangereuse pour l’environnement de polluer davantage les plans et les cours d’eau, incluant les eaux transfrontalières des Grands Lacs.
Par ailleurs, l’utilité du triclosan pour éliminer les bactéries est remise en question. L’U.S. Food and Drug Administration souligne que la supériorité des propriétés antibactériennes du triclosan n’a jamais été démontrée, et conclut que l’utilisation de savons pour les mains contenant du triclosan n’est « pas plus efficace pour prévenir les maladies qu’un lavage au savon ordinaire et à l’eau ». Si le triclosan peut causer de graves problèmes de santé et potentiellement promouvoir la résistance aux antibiotiques chez les bactéries sans être plus efficace que le savon et l’eau, quelle est l’utilité du triclosan au juste?
L’Association médicale canadienne et Environmental Defence demandent d’interdire le triclosan depuis 2009. Depuis lors, plus d’une cinquantaine de groupes environnementaux et de santé se sont rangés derrière cet appel.
Enfin, les données prouvant la menace que laisse planer le triclosan sur la santé publique continuent de s’accumuler. Parue en novembre 2014 dans le journal scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, une étude a révélé que l’exposition au triclosan « accélère de manière substantielle le développement du carcinome hépatocellulaire (CHC), agissant ainsi comme un promoteur pour les tumeurs hépatiques ». Le carcinome hépatocellulaire (c.-à-d. le cancer du foie) constituant la troisième cause de mortalité par cancer la plus fréquente au monde, il s’agit manifestement d’un sérieux problème.
Le cancer du foie est extrêmement difficile à traiter. Considérant la présence répandue du triclosan, les gens se retrouvent exposés à une substance hépatocancérogène, sans toutefois en retirer de bénéfices substantiels. Des études ont également établi un lien entre le triclosan et la stimulation de la croissance de cellules mammaires cancéreuses lors d’expériences menées en laboratoire.
La décision du gouvernement fédéral ne protégera pas les consommateurs canadiens ou l’environnement de ce polluant toxique. Le Canada doit imiter les États-Unis et interdire le triclosan. À la suite de l’annonce du projet de décision, la population a bénéficié d’une période de 60 jours, soit jusqu’au 24 janvier, pour émettre ses commentaires. Équiterre, avec ces partenaires, a soumis des commentaires durant cette période pour faire part au gouvernement fédéral de nos préoccupations.
Adapté du billet de blogue original de Maggie Macdonald, Environmental Defence, du 6 janvier 2017.