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Opinion  •  3 min

Lettre ouverte Changements climatiques: Le Québec veut briller à Copenhague. Pourquoi pas aussi à Ottawa ?

Publié le 

Par Hugo Séguin, coordonnateur aux choix collectifs, Équiterre

Le premier ministre du Québec, Jean Charest, mène présentement campagne sur la scène internationale pour faire reconnaître l'importance du rôle des états fédérés dans la lutte aux changements climatiques. Difficile de ne pas appuyer cette revendication légitime: après tout, plusieurs des mesures à mettre en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre relèvent de niveaux de gouvernement locaux et régionaux, et non des états centraux.

Au-delà de cette offensive internationale, appuyée notamment par la France, le gouvernement du Québec a également tout intérêt à investir la scène fédérale de façon beaucoup plus déterminée et y promouvoir sa vision dans le dossier des changements climatiques. Car là, aussi, se jouent nos intérêts. Et il serait avisé de s'y mettre, en ces temps d'élections fédérales appréhendées.

Le premier ministre dit chercher à infléchir la position canadienne en matière de politique climatique: « Nous allons continuer à pousser très fort pour que le gouvernement fédéral arrive avec une position qui est le reflet de ce que je crois être la bonne pour le Canada», disait-il encore cette semaine. S'il est difficile d'imaginer une position unique et gagnante pour l'ensemble du Canada – vue la disparité des intérêts économiques en jeu – on peut tout de même identifier ce que le Québec aurait à gagner d'une redéfinition de la position climatique canadienne, ici comme sur la scène internationale.

À cet égard, il faut comprendre que la vision environnementale du gouvernement fédéral – déterminée par la promotion du développement des sables bitumineux - nuit aux intérêts de provinces comme le Québec et l'Ontario, qui ont beaucoup à gagner à rendre leurs économies plus propres et moins énergivores, notamment par de solides politiques environnementales.

Ainsi, le gouvernement conservateur redirige une partie du soutien de l'État fédéral vers le secteur pétrolier de l'Ouest, notamment en matière de recherche et développement, au détriment des programmes d'aide au déploiement de formes d'énergie alternatives comme l'éolienne.

Aussi, le gouvernement fédéral s'apprête à mettre en place un nouveau cadre réglementaire destiné aux grands émetteurs industriels de gaz à effet de serre. Il est temps: le Canada, malgré des années d'études sous trois gouvernements, n'y est jamais parvenu. Par contre, les règles de fonctionnement de ce cadre n'auront rien de neutre et feront des gagnants et des perdants au sein de la structure industrielle canadienne. Malheureusement, il semble se dégager des officines fédérales une volonté de protéger la croissance des sables bitumineux de l'Alberta au détriment des secteurs industriels et manufacturiers. Si les pétrolières de l'Alberta ne font pas leur part, les industries du Québec et de l'Ontario devront faire plus que la leur. C'est du moins la lecture que fait le premier ministre McGuinty, qui ne se gêne pas pour demander des comptes au gouvernement fédéral et protéger les intérêts économiques de l'Ontario.

Finalement, en s'entêtant à ne pas fixer des cibles plus ambitieuses de réduction des émissions canadiennes de gaz à effet de serre, le gouvernement conservateur expose les exportateurs canadiens – et québécois - à d'éventuelles représailles de la part de plusieurs de nos grands partenaires commerciaux. L'Europe réfléchit présentement à la mise en oeuvre d'une taxe prélevée sur les importations de pays ne respectant pas leurs engagements internationaux en matière de lutte aux changements climatiques. Au Sénat américain, on étudie présentement le projet de Loi Waxman-Markey contenant des clauses commerciales punitives devant s'appliquer aux pays n'adoptant pas de mesures au moins équivalentes à celles qu'adopteront les Etats-Unis.

Le Québec n'est pas la seule province à voir ses intérêts menacés par la politique climatique du gouvernement fédéral. Avec la Colombie-Britannique, le Manitoba et l'Ontario, le Québec est membre du Western Climate Initiative, mis sur pied par le gouvernement de la Californie afin de prendre les devants en matière de lutte aux changements climatiques. Il serait temps que ces provinces, qui représentent plus des trois-quarts de la population et du PIB canadien, fassent clairement comprendre au gouvernement fédéral que sa position doit refléter leurs intérêts, et pas seulement ceux d'une province pétrolière comme l'Alberta.

Le gouvernement du Québec choisit donc d'aller porter son message sur la scène internationale. C'est bien. Il faudra bien que quelqu'un aille rappeler au reste du monde que le gouvernement fédéral n'est pas représentatif de la volonté de la très grande majorité des Québécois dans le dossier climatique. Mais encore faudrait-il aussi que l'on reconnaisse davantage l'importance des intérêts en jeu sur la scène canadienne. Le système politique fédéral doit sentir la pression. Et notamment en cette période pré-électorale.