En novembre 2021, Anthony, notre responsable des relations médias, a passé deux semaines en Écosse pour soutenir et accompagner deux de nos expert·e·s dans le cadre de la COP26. Avec les yeux de quelqu’un qui n’y connaissait pas grand-chose avant de partir, il revient sur sa première participation à une conférence internationale sur le climat.
C’était ma première COP, mais c'était la 26e au total. C’était aussi la première à être organisée dans un contexte où la COVID-19 venait tout compliquer. Ce que je m’apprêtais à découvrir sur place allait à la fois me décevoir et m’encourager. Bienvenue à la COP26 : terre d’accueil de l’écoblanchiment, des rêves brisés, des cauchemars en cours, mais aussi de l’espoir toujours bien vivant.
1) Premier apprentissage: la crise climatique détruit déjà la vie de nombreuses personnes
Si le site de la COP avait parfois l’allure d’un aéroport bondé ou d’un genre de foire commerciale de l’économie verte, il était aussi le théâtre de scènes plus humaines et poignantes. Parce qu’en tant que néophyte de ce genre de conférence, j’ai vu de tout pour la première fois, allant des grandes manœuvres politiques des décideurs à la réalité du terrain. J’ai vu des débats de chiffres plutôt stériles, des discussions enflammées sur des cibles lointaines, mais j’ai surtout entendu des témoignages très concrets de la crise climatique en action.
En marge des négociations, on pouvait en effet assister à des stunts ou des actions de la part de groupes issus de la société civile souvent formés de gens dont la voix ne porte pas autant qu’elle le devrait.
Je ne pouvais pas demeurer insensible au témoignage d’une adolescente des îles Samoa, dans le Pacifique, venue à la COP26 pour rappeler aux leaders de ce monde que son pays est en train de disparaître avec la montée des océans. Devant une vingtaine de personnes, elle s’est ouverte et a parlé avec son cœur:
« Perdre mon île, ce n’est pas juste un problème de logement. Ce n’est pas juste un problème migratoire. C'est une perte d'identité. C’est comme perdre mon âme », a-t-elle raconté, faisant monter les larmes aux yeux de tous ceux et celles qui s’étaient arrêtés pour l’écouter. Ouch.
Ça m’a tout de suite fait penser aux Îles-de-la-Madeleine…
Car, au Québec, on parle malheureusement souvent de la crise climatique au futur, mais entendre des citoyennes et citoyens de certains pays raconter leur expérience de vive voix ajoutait une dose absolument nécessaire d’urgence à ce grand événement plutôt froid et étourdissant.
2) Deuxième apprentissage : la carboneutralité est un concept à la mode… mais déjà « passé date »!
Ce qui était aussi flagrant lors de cette COP à Glasgow, c’était l’omniprésence du mot «carboneutralité», le fameux «net zero» en anglais.
C’était partout!
…sur les publicités des abribus en ville, sur le site de la conférence, dans les annonces des politiciennes et politiciens, dans les promesses des entreprises venues en Écosse pour se montrer sous leur jour le plus verdoyant, de Land Rover à Microsoft, en passant par Ikea.
Heureusement, la surutilisation du mot en «c» a été justement et largement critiquée sur place. Bon nombre de militantes et militants l’ont qualifié de porte de sortie pour les pays et industries qui ne veulent pas vraiment faire un effort pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), préférant utiliser des technologies coûteuses ou des compensations carbone pour verdir artificiellement leur bilan.
Ceux et celles qui saisissent réellement l’ampleur de la crise climatique et des défis pour en éviter ses pires effets ne croient déjà plus au concept. À la COP26, la société civile a tôt fait de décrier le concept de carboneutralité, souvent associée à l’année 2050: une cible trop lointaine, floue et instrumentalisée comme un calcul comptable pour continuer d’exploiter et consommer des énergies fossiles.
«Net zero is not zero», pouvait-on entendre et lire partout à Glasgow. La plupart du temps, il faut donner raison à ce slogan.
En contrepartie, on a aussi introduit le concept de « Real zero » ou « Vrai zéro émission » pour décrire une diminution des émissions de GES qui n’emploie pas de chemins de traverse pour y arriver.
Dans les prochaines années, nous devrons donc collectivement être particulièrement à l’affût et ne pas nous laisser berner par les sirènes de l’écoblanchiment et de la «carboneutralité comptable». On en a déjà de très bons exemples au Québec, comme dans le cas de notre cher 3e lien.
3) Troisième apprentissage: la COP est un microcosme de la lutte contre la crise climatique
Décourageante et énergisante.
Même si ça peut sembler contradictoire, voilà les deux mots que j’emploierais pour résumer l’ambiance de cette 26e COP. Et si je me fie aux témoignages que j’ai récoltés auprès des vétéranes et vétérans de ce genre de sommet, ces deux qualificatifs aux antipodes sont tout à fait appropriés et récurrents.
Parce que la COP, c’est un peu comme un microcosme de la lutte à la crise climatique.
D’une part, c’est souvent décourageant, car on voit plus clairement que jamais les manœuvres malhonnêtes de l’industrie des énergies fossiles, la mauvaise foi de certains puissants acteurs ou encore l’évitement dangereux des joueurs politiques.
D’autre part, c’est aussi un espace énergisant, car on y entend de plus en plus souvent et de plus en plus clairement les voix de celles et ceux qui nous permettront d’affronter cette importante crise sans laisser personne derrière: celles des jeunes, des femmes, des Peuples autochtones et des citoyennes et citoyens des pays les plus affectés par le dérèglement climatique.
C’était aussi franchement motivant de pouvoir nommer les choses clairement. Ensemble, nous avons parlé de colère, de deuil, de tristesse, mais aussi d’espoir. D’un espoir qu’il faut cesser d'attendre, mais que nous devons plutôt incarner, dont nous devons être la source. L’espoir mû par l’action.
Si vous souhaitez connaître notre bilan officiel de la COP26, consultez notre communiqué final, portant davantage sur l’issue politique de la conférence.