Colleen Thorpe
Executive Director
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Partout dans le monde, on en voit les manifestations. On sent la colère monter, y compris au Québec : les gens qui nous nourrissent sont au point de rupture. En tant que premier ministre vous devez faire des enjeux agricoles une priorité nationale avant que la situation ne s’aggrave.
Comme bien d’autres services essentiels – l’habitation, les services de santé, l’éducation, etc. –, notre agriculture est en crise : les revenus nets des fermes québécoises ont chuté de 50 % en 2023 et il est prévu qu’ils chutent de 86 % en 2024 ; les faillites sont en hausse de 23 % entre 2022 et 2023 avec, en filigrane, une explosion de la détresse psychologique chez les agriculteurs et agricultrices.
Alors que se nourrir se retrouve dans le haut de la liste des besoins de base d’une société et que l’agriculture représente un secteur névralgique pour toute population, ces enjeux demeurent encore largement dans l’angle mort de votre gouvernement.
Le spectre du manque d’approvisionnement vécu durant la pandémie ne semble plus vous inquiéter et vous continuez le dézonage agricole allègrement. Votre désintérêt pour l’agriculture est flagrant. Une énième preuve est venue dans le dernier budget, alors que les cris du cœur pour une aide d’urgence au milieu agricole ont été ignorés.
M. Legault, l’agriculture n’est pas un problème parmi tant d’autres. C’est un enjeu national de la plus haute importance. Il s’agit de l’avenir de notre autonomie et de notre sécurité alimentaire. S’assurer d’avoir des aliments sains et locaux sur la table de tous les Québécois et Québécoises devrait être votre objectif numéro un.
Des signaux clairs et inquiétants
Partout sur la planète, y compris chez nous, on voit les conséquences de ce laisser-faire : prix des terres en forte hausse, manque de relève et main-d’œuvre de plus en plus rare, évènements climatiques extrêmes qui menacent les récoltes, inflation galopante gonflant les coûts de production, grandes chaînes d’épicerie faisant des profits records au mépris de l’environnement, des fermiers et fermières3, etc. Les agriculteurs et les agricultrices ont raison d’être excédés : ceux et celles qui mettent de la nourriture dans nos assiettes en ont trop sur leurs épaules.
C’est vrai en France, aux Pays-Bas ou en Belgique. C’est vrai en Inde. Et c’est de plus en plus vrai au Québec. En tant qu’organisations concernées par l’avenir de notre autonomie et notre sécurité alimentaire, nous sentons monter ce mécontentement depuis un bon moment. Qui sème le vent récolte la tempête, dit-on…
Le potentiel d’un legs historique
Depuis plusieurs mois, le monde agricole et ses fiers travailleurs et travailleuses communiquent aussi leur mécontentement à votre ministre de l’Agriculture, André Lamontagne qui, malgré toute la bonne volonté qu’on lui connaît, ne semble pas avoir les coudées franches pour apporter le soutien qui leur manque cruellement.
On entend beaucoup parler du pouvoir que vous avez conféré à certains de vos ministres, M. Legault. Il serait temps d’en donner plus à celui qui est responsable de soutenir le milieu agricole, de protéger la sécurité alimentaire de toute la population et de contribuer à assurer la vitalité économique de nos régions.
Pendant que l’on consulte sur le territoire et les activités agricoles, nos agriculteurs et agricultrices se lèvent chaque matin pour alimenter notre monde, et ce, malgré les aléas climatiques, les pressions sur leur territoire, le manque de financement et d’actions gouvernementales structurantes, ou encore de relève. Après tout, qui voudrait se lancer dans un secteur pour lequel le premier ministre n’a pas d’intérêt ?
Entendez cet appel à prendre les décisions qui s’imposent : les solutions sont à votre portée pour assurer, enfin, une agriculture véritablement rémunératrice pour ceux et celles qui s’y dévouent, qui nourrit sainement tout le monde, une agriculture résiliente, diversifiée, contribuant à la santé des sols et des écosystèmes, et à la vitalité de la vie en région. Une agriculture axée sur l’innovation sociale et environnementale.
M. Legault, votre gouvernement a entre ses mains l’occasion de donner un coup de barre historique, à la hauteur des défis présents, comme peu de gouvernements ont eu le courage de faire. La saisirez-vous ?
Cosignataires, membres de l’Alliance SaluTERRE : Léon Bibeau-Mercier, président de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique ; Christian Savard, directeur général de Vivre en ville ; Hubert Lavallée, président de Protec-Terre.
Cette lettre a initialement été publiée par La Presse et Le Devoir.
We must demand that the government put forward concrete, positive solutions to halt the erosion of Quebec’s farmland.