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Plus hauts, plus lourds, plus dangereux : les gros VUS et camionnettes menacent la sécurité routière de tous.
Le danger des camions légers, particulièrement les gros véhicules utilitaires sport (VUS) et les camionnettes (pick-up), reste largement sous-estimé. À l’inverse, le risque posé par les camions lourds est bien connu.
Ce sont pourtant les mêmes caractéristiques qui rendent tous ces véhicules plus dangereux : leur gabarit, leur poids et leur hauteur accrus les rendent plus susceptibles d’être impliqués dans une collision et de causer des blessures graves ou mortelles.
Alors que les expertes et experts sont rassemblés cette semaine à l’occasion de la Conférence annuelle de l’Association canadienne des professionnels de la sécurité routière et qu’une pétition déposée à la Chambre des communes appelle à l’action, le danger croissant des gros VUS et camionnettes doit être reconnu par les différents ordres de gouvernement afin de freiner cette tendance à la « camionnisation ».
Une sécurité au détriment de celle des autres
Les personnes occupant un véhicule courent un risque plus grand d’être tuées dans une collision avec une camionnette (+ 23 %) ou un VUS (+ 28 %) que lors d’une collision impliquant une voiture.
Pour celles à pied ou à vélo, le risque de blessures graves ou mortelles est multiplié par deux à trois en cas de collision avec les plus gros véhicules comparativement aux voitures.
Les enfants sont particulièrement vulnérables face à la hauteur des capots, avec un risque de mortalité multiplié par huit en cas d’impact avec un camion léger.
C’est pourquoi de plus en plus de groupes demandent que les tests de collision comprennent non seulement l’évaluation de la sécurité des personnes à l’intérieur des véhicules, mais aussi celle des personnes à l’extérieur du véhicule.
Des angles morts dangereux
Un capot haut et droit non seulement augmente les risques de blessures graves ou mortelles en raison d’un point de contact plus élevé, mais aussi réduit la visibilité pour les personnes au volant de ces véhicules, ce qui augmente la probabilité de collisions1. Cette hauteur peut dissimuler entièrement des enfants, et même des adultes dans certains cas.
Le poids exige aussi des piliers de pare-brise (piliers A) avant plus robustes en cas de renversement, donc plus larges. Une étude a estimé qu’un VUS avait 23 % plus de risque d’entrer en collision avec les piétons lors des virages à gauche et 42 % dans le cas des camionnettes2.
Ces enjeux sont préoccupants, considérant qu’autrefois minoritaires, les VUS et camionnettes représentent désormais la moitié3 du parc automobile et 85 % des ventes de nouveaux véhicules au Québec.
Par ailleurs, les gros véhicules électriques représentent les mêmes dangers, voire les exacerbent en raison de leur poids plus grand.
Tous peuvent et doivent agir
La sécurité routière est ainsi menacée par un parc automobile de plus en plus important, composé de véhicules de plus en plus hauts et lourds. Au-delà du danger accru pour les usagers, les camions légers sont plus énergivores et plus polluants, accaparent davantage d’espace et réduisent la capacité routière.
Encore dans l’angle mort des plus récentes politiques publiques en matière de sécurité routière, la course à l’armement automobile n’est pas tenable, il est possible de concevoir des véhicules répondant aux besoins des automobilistes sans compromettre la sécurité des autres. Inspirons-nous des initiatives locales et nationales qui contribuent à renverser la tendance. Des normes de conception aux tests de collision en passant par l’écofiscalité et par l’encadrement de la publicité, de nombreuses solutions existent et sont à portée de tous les ordres de gouvernement.
Cette lettre ouverte a été initialement publiée dans les pages de La Presse.
*Cosignataires : Sandrine Cabana-Degani, directrice générale chez Piétons Québec, Pascal Priori, Mieux vivre avec moins d’autos chez Solon ; Marie-Soleil Gagné, directrice générale d’Accès transports viables ; Véronique Fournier, directrice générale, Centre d’écologie urbaine ; Emmanuel Rondia, directeur général, Conseil régional de l’environnement de Montréal ; Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques, Fondation David Suzuki ; Patricia Clermont, organisatrice, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) ; Jean-François Rheault, président-directeur général, Vélo Québec ; Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville ; et Pamela Fuselli, présidente-directrice générale de Parachute.