L'an dernier, lors de la COP26 à Glasgow, au Royaume-Uni, le Canada s'est joint à 39 autres pays et institutions - dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne - pour signer un accord historique visant à mettre fin au financement public des projets de combustibles fossiles à l'étranger et à prioriser le soutien aux énergies propres d'ici la fin de 2022, connu sous le nom de Déclaration de Glasgow.
Pourtant, à quelques semaines de la fin de l'année 2022, le Canada n'a toujours pas concrétisé cette promesse en adoptant une politique conforme à la Déclaration de Glasgow. Le Canada est à la fois l'un des plus grands bailleurs de fonds des énergies fossiles signataires de la déclaration et l'un des rares bailleurs de fonds signataires qui n'a toujours pas concrétisé la déclaration de Glasgow.
Il est essentiel que le Canada donne suite à son engagement et réoriente les finances publiques de tous les combustibles fossiles vers des solutions d'énergie propre. Avant la fin de l'année, le gouvernement du Canada doit publier un nouveau plan pour montrer comment il entend tenir ses promesses - sans aucune échappatoire.
Pourquoi la Déclaration de Glasgow est-elle importante ?
La Déclaration de Glasgow sur le soutien public international à la transition vers une énergie propre est le premier engagement multilatéral à aborder le financement public du pétrole et du gaz.
Actuellement, les agences de développement et de promotion du commerce du G20 apportent un soutien d'au moins 64 milliards d'euros par an aux combustibles fossiles. Les signataires de la Déclaration de Glasgow représentent à eux seuls 38 milliards de dollars par an de financement public étranger pour le pétrole et le gaz. Si ces fonds étaient réorientés, ils pourraient plus que doubler leur financement international en faveur de l'énergie propre, passant de 24 milliards par an à 46 milliards.
Ces prêts, garanties et prises de participation soutenus par les gouvernements ont une influence considérable sur les types de projets énergétiques qui sont construits. Si ces milliards d'argent public servent plutôt à soutenir les solutions climatiques, le monde sera sur la voie d'un avenir véritablement plus sain, plus résilient et plus équitable.
Avec certains des plus grands responsables du financement du secteur de l'énergie qui se sont joints à la démarche, notamment le Canada, les États-Unis, l'Italie et l'Allemagne, l'initiative crée un précédent potentiellement transformateur. Une mise en œuvre réussie pourrait donner un élan transformateur à la transition énergétique.
Pourquoi le Canada devrait-il agir ?
Le Canada se classe parmi les pires du G20 en matière de financement public des combustibles fossiles. En comparaison, le soutien du Canada aux énergies propres est relativement maigre. De 2019 à 2021, le Canada a soutenu une moyenne annuelle de 11,1 milliards de dollars canadiens en financement public aux combustibles fossiles. Ce montant
était plus de 11 fois supérieur à son soutien aux énergies propres (1 milliard de dollars), alors que la moyenne du G20 est de 4:1 pour les financements fossiles par rapport aux énergies propres.
La plupart des financements publics accordés au secteur des combustibles fossiles sont réalisés par la société d'État Exportation et développement Canada. Jusqu'à présent, en 2022, EDC a déjà fourni jusqu'à 18 milliards de dollars aux entreprises pétrolières et gazières, et seulement 790 millions de dollars pour les énergies propres.
Lorsque le Canada a signé la Déclaration de Glasgow en novembre dernier, le gouvernement s'est engagé à "élaborer une orientation stratégique qui définira la portée de cette politique". Le Canada est à la traîne par rapport à d'autres pays pour ce qui est de la mise en œuvre de sa promesse de transférer ses finances publiques des combustibles fossiles vers les énergies propres. Le Royaume-Uni, la France, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Finlande ont déjà publié des politiques pour concrétiser leur engagement à la COP26.
La politique du Canada est en cours d'élaboration par Ressources naturelles Canada et Environnement et Changement climatique Canada. EDC a laissé entendre qu'elle se conformait déjà à la Déclaration de Glasgow puisqu'elle mettra fin au "nouveau financement direct des entreprises et des projets internationaux de combustibles fossiles d'ici la fin de 2022", mais cela ne tiendra pas compte d'une grande partie du soutien international du Canada aux combustibles fossiles, qui va à des entreprises nationales impliquées dans le commerce et les opérations internationales de combustibles fossiles. Cela ne correspondrait pas non plus à la façon dont les autres signataires ont interprété l'engagement pour leurs agences de crédit à l'exportation jusqu'à présent.
Le Canada s'est également engagé à mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles d'ici 2023 et à éliminer progressivement tout financement public national pour les combustibles fossiles. Ces promesses sont liées et devraient être mises en œuvre ensemble étant donné que le financement public est une subvention aux combustibles fossiles.
À surveiller : Les échappatoires qui pourraient compromettre la nouvelle politique
1) Une définition faible du terme «international»
La politique canadienne risque d'utiliser une définition restreinte de ce qui constitue un financement "international" pour ne mettre fin qu'au financement des combustibles fossiles pour les entreprises internationales opérant à l'étranger, mais continuer à autoriser le financement des entreprises nationales opérant à l'étranger. Cette définition limitée laisserait la porte ouverte à EDC pour continuer à financer les combustibles fossiles à l'échelle internationale. En raison des limites des rapports publics d'EDC sur ses transactions financières, il n'est pas possible de calculer avec précision la part de son financement annuel moyen des combustibles fossiles qui serait autorisée à se poursuivre. Cependant, sur la base des informations publiquement disponibles sur les transactions de combustibles fossiles pour 2021, on estime que 78% du soutien international pourrait se poursuivre si une définition faible est adoptée. Quelques exemples en
2021 et 2022 comprennent :
Au moins 200 millions de dollars à Enbridge et 165 millions de dollars à Vermillion, United Safety et Enerflex pour des opérations aux États-Unis.
Au moins 50 millions de dollars à Parex Resources Inc. pour des projets pétroliers et gaziers en Colombie.
Il y a également un certain nombre de sociétés qu'EDC a financées au cours des années 2021 et 2022 et qui ont des activités dans plusieurs pays, comme Shawcor Ltd, qui a reçu au moins 50 millions de dollars en 2022 pour la vente d'équipements pétroliers et gaziers. Il n'est pas certain que ces entreprises continueraient à recevoir des fonds si la politique canadienne ne s'appliquait qu'aux entreprises "internationales".
Aucune des politiques conformes à la Déclaration de Glasgow qui ont été mises en œuvre par les signataires à ce jour n'a interprété le soutien international de cette manière pour permettre un financement continu des entreprises nationales opérant à l'étranger.
2) Les échappatoires pour le gaz
Le soutien au gaz est incompatible avec la limite convenue de 1,5°C pour le réchauffement de la planète, et la recherche montre que les alternatives propres sont mieux adaptées pour servir la sécurité énergétique et le développement propre.7
3) Les échappatoires pour le CUSC
Il existe également une faille dans le texte de la déclaration de Glasgow qui pourrait permettre aux pays de soutenir des projets de production énergétique équipés de la technologie de capture du carbone. Mais la capture du carbone reste excessivement chère et ne permet pas de réduire efficacement les émissions. Il y a un risque que le Canada exploite cette faille pour continuer à injecter des fonds publics dans de fausses solutions, y compris l'hydrogène fossile (bleu ou gris), qui ne servira qu'à prolonger notre dépendance aux combustibles fossiles. EDC a déjà créé un dangereux précédent avec ses obligations de transition écologiques qui privilégient le CUSC au détriment des solutions climatiques éprouvées.
Que doit contenir une politique solide ?
Afin de respecter l'engagement de la Déclaration de Glasgow avec intégrité, la politique du Canada devrait :
Inclure tous les financements à l'exportation, indépendamment de l'entreprise ou de l'emplacement du projet. La plupart des produits financiers d'Exportation et développement Canada ne font pas de distinction entre le soutien " international " et le soutien " national ", et le maintien du financement à l'exportation pour les entreprises nationales de combustibles fossiles compromettrait les engagements du Canada à mettre fin à toutes les subventions aux combustibles fossiles et à mettre fin au financement public national des combustibles fossiles. Le gouvernement du Canada devrait plutôt s'assurer qu'une politique révisée mette fin à tout soutien aux combustibles fossiles. Cela serait également en décalage avec la façon dont les autres signataires ont mis en œuvre l'engagement jusqu'à présent.
Mettre en œuvre des politiques robustes d'exclusion des combustibles fossiles. Le Canada doit adopter une définition complète des combustibles fossiles dans le cadre de cet engagement qui inclut la fin du soutien à l'exploration, à la production, au transport, au stockage, au raffinage et aux utilisations finales énergétiques du charbon, du pétrole et du gaz.
Pas d'exemptions pour le gaz. Les infrastructures gazières, y compris pour le GNL et les centrales électriques au gaz, devraient être exclues du financement.
Fermer les échappatoires pour le captage et le stockage du carbone.
Élaborer des plans concrets pour faire passer les finances publiques des combustibles fossiles aux énergies propres. Les efforts visant à mettre fin au soutien financier public international en faveur des combustibles fossiles doivent s'accompagner d'efforts visant à augmenter considérablement le soutien aux énergies propres afin de permettre une transition énergétique globalement juste.
S'assurer que l'engagement est contraignant en le consacrant dans la législation et en tenant EDC et d'autres sociétés d'État responsables de son application.