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Il est mathématiquement impossible de remplacer le pipeline Énergie Est par des trains. TransCanada doit cesser d’utiliser cet argumentaire fallacieux!
Malgré la suspension du BAPE sur Énergie Est où plus de 300 mémoires et 4 000 commentaires ont été reçus, Équiterre vous présente de toutes nouvelles informations issues du mémoire que nous y avons déposé. Nous abordons ici l’enjeu des pipelines versus les trains.
Combien de fois avons-nous entendu des représentants de TransCanada, ou leurs supporteurs, affirmer que « dire non au pipeline c’est dire oui à plus de trains dans nos communautés » ? Il est d’ailleurs déplorable que TransCanada utilise, de façon honteuse, la tragédie de Lac-Mégantic pour faire mousser son projet… Surtout que cette idée que si le pétrole ne passe pas par le pipeline, il passera par des trains relève du mensonge pur et simple. L’enjeu de la capacité ferroviaire est très important dans le contexte où les pipeliniers y font référence pour favoriser leur industrie.
Comme le graphique suivant l’illustre bien, les trains ne peuvent transporter qu’une petite fraction du pétrole qui serait transporté par le pipeline. Par ailleurs, rien n’indique que les rails seront toujours disponibles pour le transport de pétrole puisque d’autres industries partagent ce moyen de transport. Par exemple, afin d’assurer la fluidité des mouvements ferroviaires de l’industrie céréalière canadienne, un nombre minimal de 11 000 wagons lui est garanti à chaque semaine (1).
La capacité de déchargement est également prioritaire dans l’analyse pipeline versus train. Le déchargement de pétrole nécessite des terminaux spécialisés qui sont habituellement détenus par les raffineries, ou parfois par des compagnies de logistique comme à Sorel-Tracy. Actuellement, les raffineries qui pourraient être alimentées par le pipeline Énergie Est (Suncor à Montréal, Valéro à Lévis et Irving à St John) en plus du terminal de Sorel-Tracy, ont une capacité de déchargement de 321 000 barils de pétrole par jour (bpj) (2). Si les projets de terminaux pétroliers ferroviaires, comme celui de Belledune, vont de l’avant, la capacité de déchargement dans l’Est du Canada serait de 447 000 bpj (3). De toute évidence, tout le 1.1 million de bpj que devrait transporter Énergie Est ne serait pas transporté par rail si le projet n’a pas lieu. Tenir le discours contraire est tout à fait fallacieux!
Or, non seulement le rail ne peut transporter qu’une fraction du pétrole des pipelines, il le fait également à des coûts beaucoup plus élevés. L’Office national de l’énergie estime que « les coûts du transport ferroviaire sont en gros le double ou le triple des droits pipeliniers » (4). Les raffineries ayant accès à des ports maritimes vont habituellement préférer l’achat de pétrole provenant des navires arrivant par l’océan. Cette dynamique a été perçue aux États-Unis alors que les raffineries de la côte Est ont choisi d’importer du pétrole venant de ports étrangers plutôt que de raffiner le pétrole provenant du Bakken qui est produit en très grande quantité (5). Cette dynamique est la même pour les raffineries canadiennes; les raffineries opteront toujours pour le moyen de transport permettant le meilleur des profits.
Enfin, notons que le pétrole transporté par train à partir de l’Alberta sera principalement dirigé vers le golfe du Mexique où les raffineries ont les capacités de raffiner le pétrole lourd des sables bitumineux (6). Il est donc faux de croire que si le pipeline Énergie Est de TransCanada n’est pas construit, le train serait le moyen de transport privilégié pour approvisionner les raffineries de l’Est du Canada.
Sources :
(1) Office national de l’énergie. Article vedette : Les données estimatives sur les déplacements ferroviaires de brut canadien indiquent un sommet en octobre 2015, correspondant plus ou moins au quart de la capacité de chargement totale, diffusé le 25 février 2016. www.neb-one.gc.ca/nrg/ntgrtd/mrkt/prcstrdrtcl/qrtrlprcpdts/ftrrtcl/2016-02-01cndncrdrl-fra.html
(2) Suncor (30-40 000 bpj), Valero (60 000 bpj), Irving (185 000 bpj, composé de 145 000 bpj léger and 40 000 lourd), Sorel-Tracy (36 000 bpj) Tiré de : Suncor. Investor Information Update March 2016. www.suncor.com/~/media/Files/PDF/Investor%20Centre/Presentations%20and%20Key%20Dates/Investor%20Relations%20Presentations/Q4%20Suncor%20Investor%20Presentation%20-%20Updated%20March%202016.ashx?la=en-CA ET WILLIAMS NIA. « Enbridge's Line 9 oil pipeline to displace foreign crude in Quebec », Reuters, 1 octobre 2015. www.reuters.com/article/canada-pipeline-montreal-idUSL1N1211Z320151001 ET Sans auteur. « Irving Oil adding 40,000 bpd crude-by-rail Alberta loading capacity », Reuters, 29 novembre 2013.: http://ca.reuters.com/article/idCAL2N0JE0W720131129 ET Kildair Service ULC. Foire aux questions, mai 2014. En ligne : http://kildair.com/fra/faq.html
(3) À partir ce cette source, nous avons multiplié par 240 wagons, puisqu’un wagon contient 525 barils (voir CAPP 2015, p.33) : Chaleur terminals inc.. Feuillet d’information : Projet de système de transfert et de terminal ferroviaire de Belledune. www.chaleurterminals.com/wp-content/uploads/2014/11/Chaleur-Terminals-Fact-Sheet-French-w.pdf
(4) Office nationale de l’énergie. Le réseau pipelinier du Canada : Évaluation du marché de l’énergie, avril 2014. www.neb-one.gc.ca/nrg/ntgrtd/trnsprttn/2014/2014trnsprttnssssmnt-fra.pdf
(5) RENSHAW Jarrett et Catherine NGAI. « U.S. oil refiners look abroad for oil supplies as North Dakota boom fades », Reuters, 3 novembre 2015 : www.reuters.com/article/us-refineries-east-coast-bakken-idUSKCN0SS1TC20151103
(6) IHS Energy. North America’s Heavy Crude Future, Western Canadian access, the US refining system, and offshore supply, février 2015. www.eenews.net/assets/2015/02/23/document_pm_02.pdf ; Voir également Energy Information Administration (EIA). Petroleum & other Liquids, Movements of Crude Oil and Selected Products by Rail. www.eia.gov/dnav/pet/PET_MOVE_RAILNA_A_EPC0_RAIL_MBBL_M.htm