Saguenay, le 25 septembre 2020 – Les groupes citoyens et les organismes environnementaux qui ont participé cette semaine aux auditions du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le projet GNL/Gazoduq s’inquiètent des informations qui ont été révélées, notamment en ce qui a trait aux impacts du projet sur la lutte aux changements climatiques, la biodiversité et les populations locales. Ils déplorent également la complaisance de la commission envers le promoteur et le manque d’expert.es indépendant.es lors de cette première partie du BAPE.
La vaste majorité des investissements à l’extérieur du Québec
Les informations apprises grâce aux questions des citoyen.nes et des groupes confirment que le projet GNL/Gazoduq n’est pas un projet d’avenir pour la région du Saguenay, ni pour le Québec.
« Alors que le promoteur faisait miroiter 9 milliards $ d’investissements, on apprend finalement que seulement 2,3 milliards $ seraient investis au Québec durant la construction et moins d’un milliard durant l’opération ! On ne peut plus parler du plus gros projet d’investissement privé de l’histoire du Québec. La compagnie a caché l’information à la population depuis le début et promis beaucoup plus à la région que ce qu’ils comptent réellement donner », déplore Adrien Guibert-Barthez de la Coalition Fjord.
Un milliard de tonnes des GES sur 25 ans
Questionné sur les différents scénarios de réduction ou d’augmentation potentielle des gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale causée par le projet, le promoteur a avoué qu’un scénario possible est l’ajout de 40 millions de tonnes de GES annuellement sur toute la durée de vie du projet, ce qui représente 1 milliard de tonnes de GES sur 25 ans, voire le double sur 50 ans.
« Alors que la crise climatique est déjà bien entamée, il est inconcevable que le Québec donne son aval à un projet qui pourrait produire autant de GES que l’ajout de 10 millions de voitures sur les routes, et ce pendant 25 à 50 ans », explique Ashley Torres de la CEVES (Coalition étudiante pour un virage environnemental et social).
Cinq fois plus de bruit dans le fjord du Saguenay
Selon les expert.es de Pêches et Océans Canada, l’augmentation du trafic maritime prévue dans les prochaines années dans le fjord du Saguenay, entre autres à cause du projet GNL/Gazoduq, serait incompatible avec le plan de rétablissement du béluga du Saint-Laurent.
« Il pourrait y avoir dans quelques années 5 fois plus de bruit marin dans le Saguenay, notamment à cause des 400 passages annuels de méthaniers de GNL. En plus des impacts négatifs sur le tourisme et les communautés locales d’avoir presque en permanence un méthanier dans le fjord pendant au moins 25 ans, le risque de voir disparaître le béluga, une espèce emblématique sur le bord de l’extinction, est bien réel », affirme Alice-Anne Simard de Nature Québec.
Des risques pour la population locale et l’eau
Les porte-paroles du promoteur américain ont été questionnés à de nombreuses reprises par des citoyen.nes sur la sécurité en cas d’accident, sans présenter tous les risques, à un point tel que le président de la commission a dû les réprimander et exiger que le worst-case scenario soit présenté, à savoir celui où un accident sur un méthanier provoquerait une fuite du gaz méthane liquéfié.
« Lors d’un accident, un réservoir de méthanier se viderait en moins de 30 minutes et le gaz méthane se disperserait en seulement 2 à 3h dans l’atmosphère, augmentant drastiquement les GES et affectant la qualité de l’air. Ce gaz pourrait former un nuage d’au moins 2 kilomètres de rayon qui s’embraserait s’il trouvait une source d’ignition, comme un bateau de plaisance à proximité. Même si les calculs de la compagnie minimisent le risque que cette catastrophe arrive, personne ne veut faire partie des statistiques », s’inquiète Adrien Guibert-Barthez de la Coalition Fjord.
«En cas d’accident, le manque cruel d’intervenant.es dans la région du Saguenay pouvant répondre à un déversement d’hydrocarbures mettrait aussi en péril la faune et la flore locales, et plus spécifiquement le Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. « Le déversement d’un seul réservoir de diesel d’un méthanier serait catastrophique et ces 400 passages supplémentaires de bateaux par année sur le fjord menacent la protection de l’eau de la région », affirme Rébecca Pétrin d’Eau Secours.
Aucune preuve que le gaz remplacerait du charbon sur les marchés internationaux
Questionné sur la possibilité d’assurer que les acheteurs utilisent le gaz pour remplacer du charbon, GNL/Gazoduq a avoué qu’aucun contrat n’a été signé.
« Le promoteur n’a aucune preuve concrète pour appuyer ses prétentions que son gaz liquéfié remplacerait du charbon à l’international. Aucun contrat n’existe et des clauses pour obliger les acheteurs à délaisser le charbon ne seront pas mises dans les éventuels contrats, s’ils finissent par exister. Le scénario où GNL/Gazoduq permettrait de réduire les GES à travers le monde est de moins en moins crédible, pour ne pas dire complètement farfelu », explique Rodrigue Turgeon de Gazoduq, parlons-en!
Un manque criant d’expert.es indépendant.es
Les citoyen.nes et groupes présents aux audiences dénoncent un processus déficient comportant d’importantes lacunes qui discréditent le processus de consultation réalisé par le BAPE. L’absence d’expert.es indépendant.es du promoteur pour répondre aux questions soulevées a donné le champ libre à GNL/Gazoduq pour offrir des réponses incomplètes et subjectives. De nombreux ministères et intervenant.es-clés brillaient aussi par leur absence pour compléter de manière rigoureuse et scientifique l’analyse du BAPE.
« Je n’ai jamais vu une commission du BAPE aussi mal organisée et aussi complaisante envers un promoteur. Le manque d’expertises indépendantes auquel nous avons assisté est totalement déplorable et il n’a donc pas été possible de faire la lumière sur plusieurs aspects importants du projet, incluant ses impacts climatiques dans un contexte d’urgence climatique. Les commissaires devront se ressaisir en vue de la 2e partie du BAPE en octobre », affirme Patrick Bonin de Greenpeace.
« Le comble de l’absurde est survenu lorsque, en l’absence d’expert.es indépendant.es, c’est le promoteur qui a tenté d’expliquer le fonctionnement de l’Accord de Paris aux commissaires alors qu’il n’a ni l’expertise ni la neutralité requise pour le faire », explique Sophie Paradis du Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada).
« Les porte-paroles de GNL/Gazoduq sont bien préparés et déterminés. Pour fabriquer le consentement de la population, ils prétendent pouvoir diminuer les émissions de GES dans le monde. Mais ils sont incapables de fournir une seule garantie. On a plutôt appris que ce projet pourrait rajouter 1000 millions de tonnes de GES. OUI, 1 milliard de tonnes ! À l’heure où la maison brûle, on peut faire un usage beaucoup plus sage et intelligent de notre énergie propre que de la gaspiller au profit d’intérêts étrangers », explique Dominic Champagne du Pacte pour la transition.
Les groupes demandent aux commissaires du BAPE, Messieurs Denis Bergeron et Laurent Pilotto, de prendre acte de leurs doléances et d’agir pour y remédier en vue de la deuxième partie des audiences en octobre. Ces derniers devront faire preuve de moins de complaisance envers le promoteur et rehausser la qualité de leur travail pour la suite de cette consultation du BAPE.
Les nombreuses déclarations d’appui de la part de plusieurs membres du gouvernement Legault avant et pendant le BAPE ont aussi été vivement dénoncées. « À la veille du dépôt du plan pour une économie verte, les nombreuses déclarations des ministres et du premier ministre, lui-même, en faveur du projet de GNL, remettent sérieusement en doute la cohérence gouvernementale en la matière. Le Québec mérite mieux comme développement économique que de servir de voie de transit pour le gaz de l’Alberta », explique Marc-André Viau d’Équiterre.
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Renseignements
Gabriel Marquis
Responsable des communications chez Nature Québec
581-307-8613