Colleen Thorpe
Executive Director
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De plus en plus de travailleurs et travailleuses au Québec mettent leur vie en danger lorsqu’ils et elles partent pour le travail, et ce n’est pas pour les raisons qui vous viendraient spontanément à l’esprit. Les effets des changements climatiques deviennent de plus en plus mortels pour eux et elles.
Les épisodes de chaleur intense de plus en plus fréquents apportent leur lot de récits catastrophiques. Souvenons-nous des canicules de 2018 et de 2020 qui ont coûté la vie à plus d’une centaine de personnes au Québec. Ces morts prématurées sont en hausse partout au Canada. La liste ne s’arrête pas là, les effets non plus.
Les maladies cardiovasculaires et les troubles respiratoires sont en hausse à cause de la pollution atmosphérique, des feux de forêt, des sécheresses et des vagues de chaleur. Les complications liées à la pollution atmosphérique emportent près de 15 000 personnes par an au Canada. Les cancers sont également en augmentation à cause des rayons UV plus violents et de l’allongement de la période estivale. Il en va de même avec les blessures traumatiques d’ordres physique et psychologique causées par les catastrophes naturelles qui sont de plus en plus fréquentes et violentes. L’exposition excessive à la chaleur pourrait augmenter l’inconfort et la fatigue, diminuer la vigilance et la dextérité manuelle; de quoi augmenter les accidents de travail.
De plus en plus de maladies sont transmises par des insectes et des rongeurs qui montent vers le Nord en raison de l’augmentation de la température, affectant les travailleurs et travailleuses, notamment dans la foresterie, nous n’avons qu’à penser à la maladie de Lyme. Pour couronner le tout, nous savons désormais que l’écoanxiété est une situation réelle et que, comme toute forme d’anxiété, elle peut causer des pertes d’engagement et de productivité au travail.
Les gouvernements doivent agir
Imaginez-vous maintenant être une personne qui travaille à l’extérieur. Imaginez-vous être une personne travaillant comme col bleu pour une municipalité, comme monteur de ligne chez Hydro-Québec, sur un chantier de construction, un jeune moniteur dans un camp de jour ou une ouvrière agricole. Transposez maintenant les effets décrits plus haut. Personne ne devrait mettre sa santé et sa sécurité en danger au travail. Point. Il n’est pas normal de quitter la maison pour l’usine où la climatisation est impossible et de se réveiller, quelques heures plus tard, à l’hôpital... ou pas du tout.
Il y a une décennie, on comptait une moyenne annuelle de trois journées à plus de 32°C. Selon l’INSPQ, on pourrait passer à plus de 20 jours d’ici 2040, puis à près de 50 jours avant la fin du siècle. À l’horizon 2050, nous pourrions assister à une hausse préoccupante de 122% du nombre quotidien de problèmes de santé liés à la chaleur. En 2019, l’Organisation internationale du travail publiait un rapport sur les coups de chaleur et les pertes d’heures travaillées; c’est l’équivalent de 80 millions d’emplois qui seront perdus dans le monde d’ici 2030 si rien n’est fait. On peut déduire que l’économie en sera assurément affectée en raison de l’absentéisme, des réclamations d’indemnisation, de la réduction de la force de travail, de l’allongement des échéanciers, etc. À l’échelle mondiale, une étude parue dans Nature Climate Change (2013) estimait une réduction d’environ 10% de la capacité de travail de la main-d’œuvre en 2050.
Pourtant, que font les gouvernements? Peu ou rien. Ils préfèrent discuter de la création d’emplois verts et de technologies de compensation de carbone. D’ailleurs, en quoi cette dernière préviendrait-elle un impact sur la santé de quelqu’un travaillant par exemple dans une raffinerie?
Les gouvernements parlent beaucoup d’adaptation aux changements climatiques. Pourquoi? Parce que les coûts liés aux catastrophes climatiques atteignent maintenant entre 5% et 6% du PIB du Canada. C’est énorme. Ces coûts sont en augmentation. Cependant, l’impact sur l’économie est-il une raison pour reléguer les travailleurs et les travailleuses au rang de spectateurs? De leur laisser prendre une loterie sur leur santé et leur vie chaque matin où ils et elles quittent pour le travail? Bien sûr que non.
Pourtant des solutions existent, telles que la transition juste, la prévention et l’adaptation. Cela signifie d’appuyer la planification de la transition sur l’agenda du travail décent, d’établir un dialogue social avec les personnes qui subissent déjà les impacts et de s'attaquer aux inégalités sociales. Cela fait des années que nos organisations demandent aux deux paliers de gouvernement de mettre en place des structures tripartites pour planifier cette transition. Nous ne pouvons que conclure que les gouvernements ont plutôt choisi d’abandonner les travailleurs et les travailleuses.
Maintenant, aux prochaines élections, c’est le temps de prendre la parole: quels candidat(e)s se préoccupent de votre santé et sécurité au travail?
*Co-signé par Denis Bolduc, secrétaire général, FTQ