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Opinion  •  4 min

L’avenir des jeunes vaut-il moins que celui des générations actuelles?

Published on 

par :  (Unpublished) Caroline Brouillette

Le 2 avril, Environnement et Changement Climatique Canada (ECCC) déposait un rapport sur le climat changeant du Canada.

Alors que les changements climatiques peuvent sembler avoir des conséquences abstraites et lointaines, au contraire, le Canada voit déjà son climat changer. Selon ce rapport, ces changements ne font malheureusement que commencer, et leurs effets s’intensifieront.

Le Canada : un réchauffement 2 fois plus rapide que la moyenne mondiale

Les effets des changements climatiques sur le climat canadien sont irréversibles, mais malgré tout, nous pouvons encore limiter le réchauffement pour éviter d’être confrontés à ses effets les plus catastrophiques. Les auteurs du rapport examinent effectivement deux scénarios : celui où nous limitons les émissions mondiales aux limites fixées par l’Accord de Paris, soit limiter l’augmentation de 2°C, et celui du statu quo.

Un scénario qui limiterait l’augmentation de la température à 1,5°C, plafond nécessaire afin d’éviter les effets les plus catastrophiques des changements climatiques, n’a pas été envisagé dans ce rapport.

Le rapport d’ECCC nous informe que peu importe le scénario envisagé, le Canada se réchauffera deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale, et cette augmentation se fera particulièrement ressentir durant l’hiver. Qui plus est, depuis 1948, la température moyenne annuelle canadienne a déjà augmenté de 1,7°C.

Des effets dans notre vie quotidienne

Les températures extrêmement chaudes - pensez aux canicules à travers le pays pendant l’été 2018 - deviendront également plus fréquentes et plus intenses. L’augmentation de la sévérité des vagues de chaleur contribuera à augmenter les risques de sécheresses et de feux de forêt.

Notre relation à l’eau sera également affectée : des précipitations plus intenses - particulièrement en hiver - augmenteront le risque d’inondation en milieu urbain. Une fonte des glaces plus tôt dans l’année amènera un ruissellement plus faible en été. Le tout combiné au risques de sécheresse et de feux de forêts mentionnés ci-haut…

L’augmentation du niveau de la mer mondial ainsi que la fonte des glaces et du pergélisol amèneront une hausse du niveau de la mer sur les côtes est et ouest et dans la mer de Beaufort, ainsi qu’une baisse de ce niveau dans la baie d’Hudson.

Ce ne sont donc pas seulement nos saisons de ski qui sont à risque, mais aussi notre accès à l’eau, la pérennité des communautés côtières, les récoltes du secteur de l’agriculture, la sécurité alimentaire et la fréquence des événements climatiques extrêmes, qui vont changer notre vie de manière dramatique. De surcroît, c’est nous qui devrons en payer le prix, dont le coût est estimé à pouvant aller jusqu’à $ 91 milliards par année en 2050.

Une question de volonté politique

Même si ces développements peuvent paraître décourageants, nous avons encore le choix. Il ne s’agit pas seulement d’une question de réalisme; il s’agit d’une question de volonté. Nous pouvons mettre en place des politiques publiques ambitieuses et redoubler d’efforts pour respecter les engagements pris à Paris. Rappelons que le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques ne nous permet pas d’atteindre notre cible de réduction de GES à l’échéance 2030; nous accusons présentement un écart de 103 Mt d’équivalents de CO2 envers les engagements pris à Paris.

Pour les jeunes, ce manque de volonté politique est non seulement irresponsable - il s’agit d’une menace à l’avenir de notre génération. Alors que le rapport Notre climat changeant était déposé officiellement le 2 avril, le lendemain, la Commissaire à l’environnement et au développement durable du Bureau du vérificateur général déposait son rapport et y indiquait que « le gouvernement n’est pas prêt à s’adapter à un climat changeant ». 

Comment justifier cet écart entre nos connaissances scientifiques sur l’avenir de la planète et l’absence de leadership politique nécessaire à une véritable transition énergétique?

La jeunesse exige une action concrète et immédiate pour le climat

C’est pourquoi la jeunesse se mobilise, semaine après semaine, à l’exemple de Greta Thunberg, en faisant grève d’école le vendredi pour sortir dans la rue demander de l’action sur les changements climatiques. Le 15 mars dernier, ce sont 150 000 personnes jeunes ainsi que leurs alliés qui étaient dans la rue à Montréal et posaient les questions « pourquoi étudier pour un futur qui est incertain? » et « pourquoi faire des efforts pour s'instruire, alors que les gouvernements n'écoutent pas les personnes éduquées? ».

C’est pourquoi ENvironnement JEUnesse (ENJEU), un organisme d’éducation relative à l’environnement destiné aux jeunes du Québec, a saisi la Cour supérieure du Québec en novembre d'un recours collectif au nom des Québécois de 35 ans et moins pour obtenir l'autorisation de poursuivre le gouvernement fédéral, accusé de violer les droits fondamentaux des jeunes de par son inaction face aux changements climatiques (voir le site ENvironnement JEUnesse vs Canada). La demande vise notamment à déclarer que le gouvernement fédéral a enfreint des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés en ne prenant pas les mesures adéquates pour prévenir les changements climatiques. Les poursuites légales contres les gouvernements se multiplient d’ailleurs partout dans le monde : à l’heure actuelle, on en dénombre plus de 1 000!

Une question de justice sociale et intergénérationnelle

Les changements climatiques ne constituent pas qu’une question environnementale : ils touchent également à la justice sociale, une valeur chère à notre génération. Alors que pour plusieurs d’entre nous, les changements climatiques constituent une première menace à notre vie, rappelons-nous que l’existence même de certaines communautés est confrontée de manière constante depuis des siècles. Il est essentiel que ce débat nous fasse collectivement réfléchir au fardeau disproportionné d'exposition aux risques environnementaux auxquels sont exposées les communautés marginalisées, soit les Peuples Autochtones et les personnes racisées. C’est pourquoi des approches intersectionnelles, comme celles du Green New Deal proposé par le Sunrise Movement, un groupe politique grassroots de jeunes et porté au Congrès par la plus jeune représentante de l’histoire, Alexandria Ocasio-Cortez, récoltent un appui majoritaire auprès des électeurs milléniaux.

Pas trop tard… ou presque

S’il y a donc une chose à retenir du rapport de ce rapport d’ECCC, c’est que, dans les mots de Marjorie Sheperd, directrice de la recherche climatique d’ECCC, « collectivement, nous pouvons encore décider de l’ampleur du réchauffement ». Nous pouvons encore, en tant que société, choisir le respect de l’Accord de Paris. Sinon, le sous-texte est clair : notre avenir, celui des jeunes, vaut moins que celui des générations actuelles. Je préfère choisir l’espoir.

1.https://www.huffingtonpost.ca/entry/green-new-deal-tax-poll_n_5c54c97ce4b08710475376b4