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Les terres agricoles québécoises sont des ressources rares et précieuses. Pourtant, la pression à laquelle elles sont assujetties est alarmante. Malgré la Loi sur la Protection du territoire et des activités agricoles, adoptée il y a 40 ans, nos terres nourricières continuent de disparaître année après année en raison de l'étalement urbain et de l'activité de spéculateurs financiers et immobiliers. Plus de 35 000 hectares ont été artificialisés au cours des 20 dernières années.
Voici tout ce que vous devriez savoir sur cet enjeu important :
L’enjeu du dézonage agricole au Québec
Pourquoi est-il important de protéger le territoire agricole?
La protection de notre territoire agricole est vitale puisqu’il a comme vocation de nous nourrir et de nourrir les générations futures. Détruire notre territoire agricole, c’est mettre en péril notre sécurité alimentaire, car presque tout ce que l’on mange provient de l’agriculture.
Les terres agricoles cultivables représentent seulement 2 % du territoire québécois. La rareté des terres cultivables fait grimper les prix, ce qui entraîne davantage de spéculation et nuit à leur accessibilité pour les producteurs agricoles. Une fois ces terres recouvertes d’asphalte, nous ne pouvons plus récupérer ces sols vivants et fertiles. Il s'agit d’une ressource non renouvelable puisque sa régénération après artificialisation prend plusieurs siècles.
En plus de la pression du dézonage sur ces terres, le secteur agricole est l'un des plus directement touchés par les changements climatiques. Pourtant, la protection de nos terres agricoles a le double bénéfice de non seulement protéger notre sécurité alimentaire, mais également de proactivement aider à atténuer les changements climatiques. Découvrez ce qu’est l’agriculture climatique et comment l’industrie agricole peut jouer un rôle important pour confronter la crise climatique en captant des GES dans les sols agricoles du Québec.
Pourquoi y a-t-il autant de dézonage au Québec?
La demande pour le dézonage agricole est forte et provient de divers milieux : des projets domiciliaires, de l’augmentation des revenus de taxe foncière des municipalités, des projets économiques divers, de l’occupation du territoire par des non-agriculteurs, etc.
Ces demandes se font partout au Québec, mais plus particulièrement autour de l’agglomération de Montréal. Voici quelques exemples récents de modification ou de tentatives de modification de la zone agricole : dans la MRC de Montcalm (160 ha), à Beauharnois (94 ha), à Ste-Marie (84 ha), à Vaudreuil-Soulanges (24 ha), à Saint-Jean-sur-Richelieu (187 ha), à Québec (200 ha), à Boisbriand (137 ha), à Saint-Constant (8,5 ha), à Granby (23 ha) ou encore à Saint-Hyacinthe (14 ha). Les exemples sont nombreux!
Équiterre est plutôt d’avis qu’il faut cesser de voir les territoires agricoles, exploités ou non, comme des zones en attente d'urbanisation.
Quelles lois et institutions sont en place actuellement pour protéger les territoires agricoles?
Le territoire québécois est soumis à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, mis en place en 1978, qui a pour but d'interdire l'utilisation des terres à d'autres fins que l'agriculture. Cette loi a aussi créé la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).
La mission de la CPTAQ est de garantir aux générations futures un territoire propice à l’exercice et au développement des activités agricoles. La CPTAQ a donc un rôle majeur dans la protection du territoire agricole au Québec. Elle a essentiellement le pouvoir décisionnel d’autorisation d’inclusion ou d’exclusion de lots de la zone agricole. Ainsi, le dézonage doit être autorisé par la CPTAQ ou accordé par décret du gouvernement du Québec. Depuis le début des années 1990, elle a refusé le dézonage de près de 80 000 hectares (ha).
Par contre, en 2017, la CPTAQ avait autorisé les trois quarts des demandes qui lui avaient été faites, résultant en la disparition de 2 000 hectares de terres agricoles en un an. Ces demandes proviennent essentiellement du gouvernement, de municipalités ou de promoteurs immobiliers, et ce, partout au Québec.
La CPTAQ n’est pas un outil parfait pour protéger nos terres agricoles. Le gouvernement peut contourner la CPTAQ en adoptant des décrets ou des lois spéciales. En plus, des projets sont parfois mis de l’avant malgré l’avis de la CPTAQ et même lorsque des experts des principaux ministères concernés les jugent inacceptables.
Comment peut-on améliorer la situation?
Équiterre est d’avis qu’une vision d’ensemble de l’agriculture est nécessaire à sa protection et qu'elle doit être vue comme une ressource stratégique pour le Québec. L’Alliance ARIANE, appuyée par Équiterre, propose d’ailleurs une Politique nationale d’aménagement du territoire pour le Québec.
La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a annoncé une conversation nationale pour doter le Québec d’une vision cohérente de l’aménagement du territoire. Les discussions ne pourront toutefois se faire de manière sérieuse si, en marge de celle-ci, on continue de permettre des développements qui favorisent l’étalement urbain.
Ainsi, pendant cette conversation nationale, nous avons demander au gouvernement du Québec un véritable moratoire sur le dézonage agricole. Équiterre et ses partenaires travaillent pour aider à bâtir une vision nationale afin d'éviter la destruction de terres agricoles ou de milieux naturels.
>> Nous avons reçu plus de 13 000 signatures à notre pétition contre le dézonage agricole que nous avons remise à la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation, en septembre 2021. <<
Une revalorisation du territoire agricole
Il existe plusieurs exemples de revalorisation ou de protection du territoire agricole. En voici quelques-uns : le programme de compensation aux municipalités rurales pour
la protection du territoire agricole de la CMM, les Plans de développement de la zone agricole (PDZA), les ceintures vertes, les stratégies de remembrement des terres agricoles, la gestion régénératrice des sols, les fiducies foncières et les servitudes, etc.
Une optimisation du territoire urbanisé ou en zone blanche
L’optimisation du territoire urbanisé ou en zone blanche devrait permettre d’accueillir toute la croissance démographique prévue dans la majorité des municipalités québécoises. La densification et la décontamination des sols devraient être priorisées.
Notre vision de l’agriculture comme ressource stratégique
Depuis toujours, Équiterre propose et appuie tant les politiques publiques novatrices que les actions des citoyens-nes et des entreprises favorisant des systèmes agricoles et alimentaires durables.
Puisque le territoire agricole est une ressource vitale, rare et non renouvelable, Équiterre croit qu’il devrait être considéré comme un patrimoine collectif; une véritable ressource stratégique.
Les éléments de base qui guident notre vision sont la santé des sols, la protection du territoire agricole, l’autonomie alimentaire, la relève agricole et l’occupation dynamique du territoire.
Pour plus d’informations :
- Un documentaire de Radio-Canada : Agriculture : le Québec loin de l’autonomie alimentaire
- Une lettre de Colleen Thorpe, directrice générale d'Équiterre : Il y aura toujours une bonne excuse pour dézoner des terres agricoles
- Communiqué : Aménagement du territoire : l'UPA, Équiterre, la Fondation David Suzuki et Vivre en Ville inquiètes pour l'avenir alimentaire du Québec
- Voir la lettre que nous avons remis à Andrée Laforest, Ministre des Affaires municipales et de l’Habitation
Aménagement du territoire : prenons un virage au lieu de prendre le champ