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Opinion  •  4 min

Pourra-t-on réussir l'adaptation et la transformation du territoire?

Publié le 

Ce n'est peut-être pas ce qui a été le plus médiatisé dans la dernière année mais nous avons récemment eu droit à deux annonces très importantes concernant l’avenir du territoire québécois.

Notre territoire, c’est notre nature, notre biodiversité, nos ressources, notre agriculture, notre alimentation, notre mobilité, mais aussi notre vulnérabilité face aux changements climatiques. C’est pour cette raison que nous avons porté une attention particulière à deux documents super importants :

  1. Le Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques (GEA) a proposé 20 recommandations et 90 pistes d’action pour adapter le Québec aux défis causés par l’impact des changements climatiques.

  2. La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation a dévoilé les nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT). Pour simplifier, si la façon dont on aménage nos villes, nos communautés et nos régions serait un jeu de société, ces orientations seraient un peu le livret d’instructions pour y jouer.

Adaptation : les expert(e)s nous donnent les clés

D’abord, il est de plus en plus urgent de s’attaquer au dossier de l’adaptation. Chez Équiterre, nous avons alimenté le débat sur l’importance de l’adaptation dans le cadre des négociations internationales sur le climat. Nous avons également stimulé la réflexion sur l’état de la situation au Québec, en plus de réagir au dépôt de la stratégie fédérale d’adaptation.

Alors, que retenons-nous du rapport du Groupe d’experts sur l’adaptation (GEA)?

  1. La biodiversité est au coeur des priorités des expert(e)s
    Il faut souligner le fait que le GEA place la protection et la restauration de la biodiversité en tête des recommandations du rapport. Ce faisant, le GEA amène le gouvernement à réfléchir en termes de limite planétaire et des écosystèmes. Nous saluons cette recommandation du GEA, qui s'inscrit dans la lignée des recommandations d’Équiterre en matière énergétique, de mobilité ou de consommation.

  2. Reconstruire en mieux après les désastres
    En insistant sur la nécessité de mieux reconstruire à la suite des sinistres, le GEA jette les bases d’une intégration systématique d’une grille d’analyse en adaptation pour tous les projets gouvernementaux, ce qui devrait avoir une incidence sur les résidences, les immeubles résidentiels et commerciaux que nous construisons, la mobilité, la biodiversité, etc. D’autant plus que ce principe est jumelé à la nécessité de mieux protéger les populations les plus vulnérables et planifier les interventions en matière d’adaptation en intégrant la dimension de la santé publique.

  3. Des bâtiments et des infrastructures plus durables
    Il faudra inévitablement changer les pratiques et la réglementation pour s’assurer de bâtir des infrastructures physiques et naturelles, et des bâtiments qui vont renforcer la résilience. De plus, nous rejoignons particulièrement l’analyse du GEA lorsque celui-ci affirme qu’il faut privilégier la sobriété dans l’usage des ressources énergétiques et hydriques.

  4. Des secteurs économiques à préparer
    L’adaptation des secteurs d’activités économiques et des emplois est primordiale. Il faut préparer les emplois de demain, accroître la résilience des chaînes d’approvisionnement et réduire les risques des secteurs qui dépendent des ressources naturelles vulnérables, comme les terres agricoles.

  5. Apprendre à mieux « se gérer »
    Dans cette section, le rapport du GEA met l’accent sur l’exemplarité de l’État, notamment en ce qui a trait à la mise en œuvre des nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire. Il faut également mieux mesurer et suivre les progrès ou l’absence de progrès en matière d’adaptation et doter les acteurs des ressources techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre des plans.

Le rapport du GEA explore l'ensemble des pistes de solutions pour rendre les communautés et les secteurs économiques du Québec plus résilients. En plaçant la nature au centre des stratégies d'adaptation, le GEA montre l'importance de la biodiversité du Québec dans les décisions politiques sur l'utilisation et le développement futur du territoire.

Le rapport souligne aussi l'importance de la coordination entre le gouvernement et les acteurs locaux, comme les peuples autochtones et les leaders municipaux, mais il néglige toute collaboration avec le gouvernement fédéral, pourtant indispensable pour réussir à adapter notre pays. Par exemple, la mise à jour du Code de construction québécois doit se faire en harmonie avec celle du Code du bâtiment fédéral.

Avoir le sens de « l’orientation »

Ensuite, du côté de l’aménagement du territoire, notre travail en mobilité et en agriculture est intrinsèquement liés aux nouvelles orientations. C’est pour ça que nous avons effectué une série de recommandations lors de la consultation publique qui a eu lieu sur cet enjeu névralgique.

Quelle évaluation faisons-nous des nouvelles orientations?

  1. Des collectivités prêtes à absorber les chocs
    La résilience, l’adaptation et la sécurité des collectivités est l’orientation #1 de ces nouvelles OGAT. Un signe que le gouvernement comprend le sérieux de l’enjeu d’adaptation du territoire face aux défis des changements climatiques. Le défi consiste à passer de la planification à la mise en œuvre.

  2. Protéger la nature et les sols
    Tout comme le rapport du GEA, le ministère des Affaires municipales place la conservation des écosystèmes et des milieux naturels, incluant les sols agricoles, au cœur des nouvelles orientations. Le défi demeure ici de passer de l’orientation à la priorisation dans les choix politiques et les investissements. Ça reste à faire dans plusieurs dossiers, mettons.

  3. Un Québec qui déplace plus que de l’air
    La volonté est clairement affichée de mettre en place les conditions favorables au développement d’une mobilité durable sur le territoire québécois et que cette mobilité soit réfléchie avec notre aménagement et non comme quelque chose de déconnecté et séparé du reste, comme ça se fait actuellement.

  4. Utiliser intelligemment le potentiel du territoire québécois
    Que ce soit pour l’habiter ou le visiter, le territoire québécois offre de nombreuses possibilités sur lesquelles les nouvelles orientations veulent miser. Mais utiliser le plein potentiel du Québec c’est aussi exploiter ses ressources et son potentiel énergétique. Le grand défi se retrouve à l’orientation #7, qui consiste à assurer une cohabitation harmonieuse du territoire, notamment entre les activités minières et les autres usages.

Avec ces nouvelles orientations, nous avons franchi un très grand pas en aménagement du territoire. Les orientations vont majoritairement dans la bonne direction, bien qu’on semble espérer une cohabitation harmonieuse en fonction des usages, alors que des choix devront être faits. Et importants à part de ça.

Aussi, le nerf de la guerre c’est que l’argent suive. Les moyens pour la mise en œuvre de ces orientations devront être rendus disponibles pour les communautés. Quand on a vu la réception négative accordée par le gouvernement aux demandes municipales en adaptation ou encore pour le financement du transport collectif, on est encore bien loin de la réalisation des orientations.

C’est pourquoi leur succès sera évalué selon le respect et la priorisation de ceux-ci par le gouvernement lui-même.

On appelle ça mener par l’exemple.

En résumé : tant en ce qui a trait à l’adaptation qu’à l’aménagement du territoire, les moyens et les ressources disponibles pour la mise en œuvre des recommandations feront la différence entre une planification réussie et exécutée ou un beau petit document qui ramasse la poussière sur une tablette (ou dans le serveur du ministère des Affaires municipales).