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Opinion  •  2 min

Écoanxieux sans le savoir

Publié le 

Dans une récente chronique, le chroniqueur de La Presse Paul Journet analysait l’attrait du discours du chef conservateur fédéral qui tente de fédérer le mécontentement des gens qui jugent que leur situation financière s’est détériorée. Il faisait notamment référence à une anxiété économique bien réelle qui habite plusieurs d’entre nous. Et si l’anxiété économique et l’anxiété écologique n’étaient que deux faces d’une même médaille?

Une grande majorité d’entre nous est donc anxieuse par rapport aux perspectives financières ou climatiques, mais les solutions en réponse à ces formes d’anxiété ne sont pas aux antipodes contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire. D’ailleurs, un récent coup de sonde de la firme Abacus Data démontre qu’une forte majorité de Canadiens et Canadiennes ne veut pas que les solutions à la crise du logement compromettent l’environnement.

L’épouvantail

Malgré tout, certains politiciens et groupes militants qui meublent leur discours avec l’anxiété économique utilisent la réglementation environnementale comme épouvantail.

Une exemple récent: la tarification carbone serait la mère de tous les maux!

Son incidence sur l’inflation n’est pourtant que de 0,15%, tel que calculé par la Banque du Canada. L’important ici n’est pas d’identifier des solutions mais de trouver un coupable et de susciter une réaction, le tout pour éviter de s’attaquer à la racine des problèmes.

D’ailleurs, les attaques contre la réglementation environnementale ont redoublé d’ardeur cet été. Le nouveau règlement sur les carburants est présenté comme une nouvelle taxe carbone imposée par Ottawa. On fait donc bien peu de cas de son objectif, parce que c’est d’abord et avant tout une arme politique pour la formation qui a pourtant mis en place la précédente réglementation sur les carburants alors qu’elle était au pouvoir. Oups.

Considérant les taux d’inflation des derniers mois, beaucoup d’énergie est donc dépensée pour s’attaquer à une variable responsable de 0,15% de l’augmentation de l’inflation. Et si le problème était ailleurs?

Pas de « réduflation » pour les camions

Prenons le secteur de l’industrie automobile, que dis-je le secteur du pick-up et du VUS, comme exemple. Le prix moyen d’un véhicule neuf est maintenant de plus de 64 000 $ au Québec, une augmentation de 27,3% par rapport à 2022. C’est presque le double des prix pré-pandémique de 2019, dont la moyenne était de 34 000$. Étrangement, les camions légers n’ont pas subi le traitement « réduflation » comme pour de nombreux produits dans notre panier d’épicerie.

La tarification carbone ne peut expliquer que le prix des véhicules neufs ait doublé, pas plus que la protection de la rainette faux-grillon ne peut expliquer l’augmentation du coût de l’habitation. Alors, au lieu de pointer l’épouvantail, cherchons les solutions. D’autant plus que si on retire l’épouvantail, d’autres problèmes vont s’installer.

Nous évoluons dans un monde en transition vers la carboneutralité, certes, mais qui consomme encore des niveaux records d’énergies fossiles, le principal moteur de la crise climatique. Cette crise, l’inflation et l’augmentation fulgurante du coût de la vie s’opèrent donc dans un monde qui vise la transition mais qui est toujours bien ancré dans ses bonnes vieilles habitudes de surconsommation et de croissance infinie dont on essaie d’atténuer les impacts à coup de solutions technologiques pour maintenir en place le modèle de surexploitation des ressources.

Le statu quo qui coûte cher

C’est donc un tour de force que de mettre les maux économiques du moment sur le dos de la règlementation et des politiques environnementales.

Blâmer la transition énergétique pour l’augmentation du coût de la vie est essentiellement un plaidoyer pour le statu quo, voire le recul.

Et vous savez quoi? Ce statu quo garantit une facture plus élevée pour les gouvernements et la population. Tout ça bien sûr accompagné d’une accélération de la perte du vivant.

Bref, on ne gagnera pas la lutte contre l’anxiété économique en alimentant l’anxiété écologique. En affaiblissant les politiques et la réglementation environnementale avec comme prétexte de réduire le coût de la vie, on se place à la merci de l’industrie et de ses profits. De la pompe à essence jusqu’à l’épicerie.