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Je n’ai pas toujours été un apôtre de l’électrification des transports. Électrifier les 5 millions de véhicules au Québec ne règlerait pas la congestion routière. Aussi, ces véhicules consommeraient quand même de l’énergie qu’il faudrait produire; et sur le reste de la planète on produit l’électricité avec du charbon, du gaz et du nucléaire…
Depuis 20 ans, j’ai donc concentré les efforts de promotion d’Équiterre autour des transports en commun, du partage de voitures et du transport actif. Je n’ai jamais possédé de voiture de ma vie en dépit de mes 3 enfants et des déplacements fréquents que m’impose mon travail. Dans un monde idéal, le cocktail de moyens de transport que j’utilise devrait devenir la norme plutôt que l’exception.
Toutefois, après deux décennies de militantisme pour des modes de transport plus écologiques et des villes plus durables, j’en arrive à la conclusion qu’il faut aussi s’attaquer à l’électrification. Selon moi, il s’agit aussi de l’une des trois tendances (avec le partage et l’automatisation) qui révolutionneront nos villes et le transport d’ici 2025.
Pourquoi ce changement de point de vue? Premièrement, la preuve scientifique à l’égard des changements climatiques est maintenant sans équivoque et carrément alarmante. Il faut réduire rapidement nos émissions de GES et l’électrification est l’un des seuls moyens politiquement acceptables pour y arriver rapidement.
Deuxièmement, l’argument qu’une voiture électrique ne réduit pas (suffisamment) la pollution lorsque l’électricité est produite à partir de charbon, ne tient pas la route. Une voiture électrique est écologique même avec la pire forme d’électricité simplement parce qu’elle est trois fois plus efficace énergétiquement que la voiture à combustion. Par ailleurs, les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien remplacent de plus en plus le charbon. Au Canada, 65 % de l’électricité est produite à partir de sources renouvelables et avec l’engagement de l’Alberta de se retrier du charbon, on peut espérer un pays sans charbon d’ici une quinzaine d’années.
Troisièmement, convaincre des citoyens de délaisser la voiture privée au profit des transports collectifs et actifs est un travail de très longue haleine. En dépit de tous nos efforts, le parc automobile privé ne cesse de croître plus rapidement que la population. Résultat, même s’il y a plus de monde dans les transports collectifs et en vélo, il y en a encore plus qui sont seuls dans leur voiture!
Même en 2016, avec Communauto, Uber, Car-to-go et l’effervescence de l’économie du partage, on se dirige au Québec vers de nouveaux records de vente de véhicules qui sont de plus en plus des VUS. Puisqu’on garde un véhicule en moyenne 10 ans, ceux-ci vont continuer à polluer encore longtemps.
Chaque année, on achète au Québec 450 000 véhicules neufs. À l’heure actuelle, moins de 1 % de ces véhicules sont « branchables ». Ainsi, d’ici 2020 - le temps qu’il faudra à la Caisse de dépôt pour construire le Réseau électrique métropolitain (un nouveau train automatisé qui desservira la Rive-Sud, et l’Ouest de l’Île) - 1,8 million de nouveaux véhicules se seront ajoutés sur les routes du Québec. Ne devraient-ils pas tous êtres électriques?
Même les pays avec les meilleurs systèmes de transport en commun au monde ont décidé d’électrifier leurs flottes de véhicules privés. En Norvège, le leader mondial, un véhicule neuf sur 4 peut se propulser à l’électricité (98 % provient de l’hydro-électricité). Ce pays, tout comme l’Allemagne et les Pays-Bas, envisage même d’interdire d’ici 10 ou 15 ans la vente de véhicules privés fonctionnant à l’essence.
Rien ne nous empêche d’être aussi ambitieux au Québec surtout avec notre électricité propre et abondante. Qui plus est, les véhicules qui seront disponibles d’ici quelques mois comme la Bolt et la Tesla 3 offriront une autonomie de plus de 300 km à un prix abordable, ce qui devrait mettre fin à la principale réticence des acheteurs potentiels; la peur de tomber en panne.
Dernier argument pour l’électrification : le silence et la qualité de l’air! Imaginez le boulevard Taschereau ou la rue St-Laurent sans bruit et sans monoxyde de carbone… Dans un futur pas si lointain, on se demandera comment on faisait pour endurer ce vacarme et cette pollution 24 heures sur 24.
Suivez la chronique « Maison du développement durable » de Sidney Ribaux dans le journal Métro.
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