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En parlant de mauvais investissements avec l’argent des contribuables, parlons également des milliards de dollars qui sont dépensés chaque année en subventions aux énergies fossiles.
Le gouvernement fédéral est de retour en Chambre pour la dernière session parlementaire avant les prochaines élections fédérales, et voici donc un moment propice pour faire un retour sur les engagements que le Canada a pris avec les pays du G20 pour éliminer les subventions aux énergies fossiles, ainsi que comment les actions du gouvernement fédéral l’empêchent de respecter cet engagement.
Les subventions aux énergies fossiles au Canada
Rappelons d’abord que le Canada est le pays du G7 qui offre à la production pétrolière et gazière le soutien gouvernemental le plus important par unité de PIB. Il occupe l’avant-dernière position parmi les pays du G7 en matière de transparence et termine bon dernier dans l’élimination de l’aide fiscale pour l’expansion du secteur pétrolier et gazier.
Que ce soit du financement pour la recherche et la commercialisation de différentes technologies dans le secteur pétrolier, des crédits d’impôt ou du soutien financier direct, le gouvernement fédéral dépense l’argent des contribuables dans un secteur du passé qui met en péril le futur de notre planète. Exportation et développement Canada (EDC), l’agence officielle de crédit à l’exportation du Canada, elle seule octroie 10 milliards de dollars de prêts et autres produits financiers garantis par le gouvernement chaque année au secteur pétrolier, un montant qui est douze fois plus élevé que son investissement dans le secteur des technologies propres.
Quelques nouveaux avantages pour le secteur pétrolier, annoncé par le gouvernement fédéral dans l’Énoncé économique de l’automne 2018 :
- Un nouvel incitatif à l’investissement accéléré qui permet aux sociétés pétrolières et gazières d’amortir immédiatement la totalité des coûts de machinerie et d’équipement ;
- 275 millions de dollars en soutien aux infrastructures assorties d’un milliard de dollars en exemptions tarifaires pour un méga projet de terminal portuaire d’exportation de gaz fracturé en Colombie-Britannique.
Des subventions non appréciées par les compagnies pétrolières
En décembre dernier, le Gouvernement du Canada annonçait un nouveau soutien financier de 1,65 milliard de dollars au secteur pétrolier canadien sous forme de prêts commerciaux destinés à de nouveaux projets d’infrastructures. À ce montant s’ajoutent 500 millions de dollars qui seront débloqués par la Banque de Développement du Canada au cours des deux prochaines années pour venir en aide aux petites et moyennes compagnies pétrolières canadiennes.
On aurait pu s’attendre à ce que les dirigeants des sociétés pétrolières et leurs alliés politiques accueillent avec gratitude ce « cadeau de Noël » du gouvernement fédéral, mais au contraire, ils s’en trouvent offensés!
- Tim McMillan, président et chef de la direction de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, le principal groupe de lobbyistes de l’industrie pétrolière au Canada, a déclaré que l’industrie « n’a pas réclamé d’argent dans le cadre de programmes du gouvernement fédéral ».
- Un analyste financier qui couvre les grandes sociétés pétrolières et gazières pour BMO Marchés des capitaux a soutenu que les nouvelles subventions n’engendreront rien de concret à court terme et qu’il est peu probable qu’elles aient une incidence significative sur la création d’emplois.
- Le président et chef de la direction de l’entreprise albertaine Whitecap Resources, Grant Fagerheim, a signifié que ce n’est absolument pas primordial en ce moment et que le secteur de l’énergie ne souhaite pas bénéficier de subventions ni de soutien financier sous forme de prêts. Il a ajouté que sa compagnie n’allait pas profiter de ce soutien financier supplémentaire offert pour effectuer de nouveaux investissements ou créer des emplois.
- Le président et chef de direction d’une autre compagnie productrice de pétrole et de gaz, Advantage Oil & Gas, a révélé que leur problème en est un de rendement : « Ce dont nous avons besoin, c’est davantage de revenus ». J’en conclus donc que cette entreprise ne souhaite pas non plus bénéficier de subventions supplémentaires.
Nous savons tous que cet appui financier visait à satisfaire les demandes de la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley. Or suite à cette annonce de nouveau financement, Madame Notley s’en est dite insatisfaite également, affirmant du même souffle que le secteur pétrolier et gazier ne veut pas d’argent gratuit, et qu’elle espère que ces nouvelles subventions constituent plutôt « un départ et un premier pas ». Malgré ce généreux cadeau du gouvernement fédéral, la première ministre de l’Alberta a abandonné tous ses engagements envers le cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.
Il semble donc qu’on y perd financièrement, mais qu’on y gagne rien politiquement non plus.
Qui plus est, cette annonce vient clore une année d’abondance de subventions financières irresponsables versées pour soutenir une industrie dont la croissance s’avère incompatible avec les objectifs climatiques du Canada sous l’Accord de Paris.
Donc on parle de subventions non voulues par les contribuables et non appréciées par les compagnies pétrolières
À la veille de la campagne électorale fédérale, nous tenons à rappeler que la population souhaite fortement voir se concrétiser la promesse d’éliminer les subventions aux énergies fossiles. Un sondage réalisé par la firme Ekos a révélé que les deux tiers des Canadiens sont en désaccord avec ces subventions, et la moitié de ceux-ci ont évoqué comme raison la nécessité d’accroître les efforts de lutte contre les changements climatiques. De plus, 96 % des Canadiens sont d’avis que le gouvernement devrait divulguer les montants qu’il octroie aux sociétés pétrolières et gazières.
L’extraction et la production du pétrole et de gaz naturel constituent la plus grande source de pollution par le carbone au pays. Les fonds publics octroyés par le gouvernement fédéral pour faciliter une croissance continue de la production pétrolière et gazière nous éloigneront davantage de notre cible de réduction de GES et de nos engagements envers l’Accord de Paris.
Ces nouveaux prêts, subventions et soutiens financiers sont une volte-face spectaculaire de la part du gouvernement du Canada sur son engagement de longue date visant à éliminer les subventions aux énergies fossiles.
Nous demandons donc que le gouvernement fédéral s’engage à éliminer les subventions aux énergies fossiles le plus rapidement possible.
Ce blogue fut adapté du blogue rédigé par Patrick DeRochie pour Environmental Defence Canada.
Pour en savoir plus :
- RAPPORT - Risque gros : Comment le financement d’Exportation et Développement Canada (EDC) aux énergies fossiles contribue à la crise climatique
- Les recommandations d’Équiterre et ses partenaires pour le prochain budget fédéral de 2019 : Soumission au ministère des Finances du Canada - Consultations prébudgétaires de 2019
- Entrevue Urbania : Pendant combien de temps peut-on se permettre de subventionner les énergies fossiles? Avec Annie Bérubé d'Équiterre et Pierre-Olivier Pineau d'HEC Montréal