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L’arrivée du printemps rime avec dévoilement des budgets gouvernementaux. Plus que jamais auparavant, les attentes des organisations environnementales et des citoyens entourant la protection de l’environnement et la lutte aux changements climatiques n’auront été aussi élevées. La mobilisation est soutenue à l’échelle mondiale, allant des grèves pour le climat, aux pétitions demandant le retrait des pesticides dangereux et aux recours judiciaires envers les gouvernements pour les obliger à prendre acte. C’est donc dire que nous attendons impatiemment le dévoilement du budget provincial qui donnera le ton sur les intentions du nouveau gouvernement en matière environnementale.
Financer la transition énergétique sans nouvelles dépenses
D’abord et avant tout, le Ministère des Finances se doit d’annoncer dans le budget de 2019 une commission d’experts ayant comme mandat d’identifier et de recommander la mise en oeuvre d’outils fiscaux pour atteindre les objectifs en transition énergétique, en environnement et en mobilité durable. Il est important de noter que la protection de l’environnement ne requiert pas toujours de nouvelles dépenses pour l’État, mais que dans plusieurs cas il y a moyen d’épargner et même de collecter de nouveaux revenus.
À cet effet, nous attendons que cet exercice inclue un examen des allégements fiscaux octroyés par le gouvernement du Québec à la consommation d’hydrocarbures qui minent l’atteinte de nos engagements dans la lutte en changements climatiques. De 2011 à 2017, le gouvernement du Québec a versé en moyenne 300 millions de dollars par année en allègement à la taxe sur les carburants, des mesures qui vont à l’encontre d’une diminution de la consommation d’hydrocarbures.
Dans un esprit de cohérence avec les objectifs de réductions de GES et de transition énergétique, Équiterre s’attend à ce que le gouvernement du Québec élimine ces exemptions qui le privent de plusieurs millions de dollars en revenus annuels et qui pourraient servir d’accélérateur à la transition énergétique.
Le transport: le nerf de la guerre climatique
Nous nous attendons à ce que le gouvernement s’attaque de front au secteur des transports. Responsable de plus de 40% des émissions totales de la province, c’est aussi ce secteur pour lequel il est prévu que les émissions de GES augmenteront le plus d’ici 2030. Tel que soulevé dans l’inventaire québécois sur les émissions de gaz à effet de serre du Québec, l’accroissement incessant du parc automobile, la préférence marquée des consommateurs envers les véhicules plus gros et plus énergivores et l’augmentation du nombre de kilomètres parcourus sont à la source même de ce problème.
La Politique de mobilité durable du Québec adoptée l’an dernier a de grandes ambitions pour s’y attaquer. Or, pour réaliser les projets prévus, il faudra impérativement que le gouvernement rééquilibre la proportion d’investissement entre les transports collectifs et le transport routier. Actuellement, cette proportion est de l’ordre de 30 % pour les transports collectifs tandis que pour le transport routier il s’agit de 70 %. Équiterre s’attends à ce que le budget établisse en 2019 un taux de 40 % des investissements pour les transports collectifs pour ensuite atteindre la parité en 2020.
Parallèlement aux efforts pour accroître la part modale en transport collectif, il est nécessaire de s’attarder à l’électrification des transports. Jouissant d’une position très favorable dans ce dossier, le Québec peut et doit renforcer sa position de leader dans l’électrification.
Malgré la hausse des ventes de véhicules électriques des dernières années, leur part de marché reste encore marginale par rapport aux véhicules à essence. C’est pourquoi il est essentiel que le gouvernement poursuive le programme d’incitatif, jusqu’à ce que cette part de marché dépasse ce qu’on appelle dans le jargon “les primo-adoptants”; c’est-à-dire la première tranche de la population à avoir adopté cette technologie. Retirer trop rapidement cet incitatif résulterait en une chute drastique des ventes de véhicules électriques, nous n’avons qu’à regarder ce qui se passe chez nos voisins en Ontario pour le constater.
Afin de supporter une part croissante de véhicules électriques dans le parc automobile, le déploiement des infrastructures de recharge doit se poursuivre. Équiterre s’attend donc à ce que le budget provincial prévoit la poursuite des programmes de soutien financier pour l’expansion du réseau de bornes de recharge électriques tant en milieu résidentiel et professionnel.
Nous pensons également que l’électrification des autobus scolaires (environ 8 000 véhicules) est un objectif qui doit et peut être accompli d’ici 2030. En électrifiant le transport scolaire, nous agirons non seulement sur le développement de cette technologie au Québec, sur la lutte aux changements climatiques, mais également sur la qualité de l’air et l’environnement sonore des enfants qui y sont transportés. Équiterre s’attend à ce que le gouvernement revoit les programmes de soutien financiers actuels afin qu’ils favorisent l'achat d'autobus scolaires électriques.
L’indépendance des recherches et du soutien en matière de pesticides
Le licenciement de l’agronome Louis Robert par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation pour avoir sonné l’alerte auprès des médias sur une situation inacceptable d'ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides illustre un urgent besoin que l’État ressaisisse son rôle de protection du public. Nous réitérons notre demande d’augmenter et de diriger les fonds de recherche sur les pesticides uniquement vers des chercheurs, instituts de recherche ou organismes indépendants de l’industrie et sans conflit d’intérêts.
Parmi les pistes de travail de la Politique bioalimentaire 2018-2025, le gouvernement veut « Renforcer la réduction des risques liés à l’utilisation des pesticides ». Or actuellement, la majorité des agronomes qui prescrivent les pesticides restreints par Québec sont liés à l’industrie de la vente de pesticides, les plaçant en possible conflit d’intérêts. Nous demandons minimalement au gouvernement de financer à 100 % le service-conseil indépendant auprès des agriculteurs, contrairement au 70-90 % actuellement disponible via le réseau agri-conseils. Ceci permettrait de réduire l’incitatif de recourir aux services gratuits qu’offrent les compagnies vendant des pesticides.
Soutenir l’alimentation locale et biologique dans nos institutions : une affaire de santé publique
Les retombées économiques, environnementales et sanitaires d’une agriculture et d’une consommation plus durable, biologique et locale ont le potentiel d’être très importantes, en évitant la pollution des eaux et des sols, en régénérant les sols, en évitant l’émission de gaz à effet de serre, et en soutenant le dynamisme des régions via des circuits de mise en marché de proximité. Promouvoir et soutenir adéquatement la production biologique permettrait de contribuer à atteindre de manière importante plusieurs pistes de travail de la Politique bioalimentaires, soit de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur bioalimentaire et sa vulnérabilité aux changements climatiques, d’améliorer la qualité de l’eau, la santé des sols et la protection de la biodiversité, de poursuivre la croissance du secteur biologique, et de réduire les risques liés à l’utilisation des pesticides.
En lien avec les pistes de travail de la Politique bioalimentaire, nous demandons de soutenir financièrement les services alimentaires des institutions afin d’augmenter leur approvisionnement en aliments locaux et biologiques.
EN RÉSUMÉ
- Mettre sur pied une Commission sur l’Écofiscalité
- Éliminer les allègements fiscaux sur la taxe sur les carburants au Québec
- Ramener la part d’investissement en transport collectif à parité avec les investissements routiers pour l’année 2020 et l’augmenter à 40% en 2019.
- Poursuivre le programme d’incitatif à l’achat de véhicules électriques
- Poursuivre les investissements dans les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques
- Favoriser l’achat d’autobus scolaires électriques
- Augmenter les fonds de recherche sur les pesticides et les diriger uniquement vers des chercheurs, instituts de recherche ou organismes indépendants de l’industrie et sans conflit d’intérêts
- Soutenir financièrement les services alimentaires des institutions afin d’augmenter leur approvisionnement en aliments locaux et biologiques
Le 21 mars prochain, nous suivrons attentivement le dévoilement de ce premier budget du nouveau gouvernement du Québec. Restez à l'affût de nos réactions via les réseaux sociaux!
Pour en savoir plus :
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