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On aurait tendance à penser que grâce à notre hydroélectricité, le Québec ne connaîtra pas les problèmes auxquels font face d’autres pays et d’autres provinces du Canada pour réussir la transition énergétique. Cependant, l’hydroélectricité ne représente que le tiers de l’énergie que l’on consomme, alors que la majorité provient des énergies fossiles.
Mais nous faisons face actuellement à plusieurs enjeux de taille : les industries et collectivités du Québec consomment beaucoup (et de plus en plus!) et l’offre énergétique actuelle ne permet pas de répondre à la demande. Cela amène de gros défis à l’heure où le Québec doit se décarboner rapidement pour limiter la crise climatique.
Qui consomme notre énergie?
Seulement le tiers de notre énergie est utilisée directement par les ménages québécois (notamment pour l’éclairage, le chauffage, la climatisation et le transport). Mais c’est important de souligner que les ménages québécois ne consomment pas tous de la même manière : plus les familles ont des revenus élevés, plus elles consomment. En 2019, une famille avec des revenus de plus de 150 000 $ consommait en moyenne près du double de la consommation d’énergie des ménages gagnant moins de 40 000 $.
Les deux tiers de l’énergie au Québec est utilisée par les industries. Le secteur de l’aluminium est de loin le plus énergivore, suivi par l’industrie des pâtes et papiers, l’industrie chimique et le secteur manufacturier.
Les plus grands défis auxquels le Québec doit faire face
1. Une consommation d’énergie toujours grandissante.
Le Québec est l’un des plus gros consommateurs d’énergie par habitant dans le monde, avec une consommation de près de quatre fois la moyenne mondiale!
Malgré cela, Hydro-Québec estime que la demande en énergie augmentera de 40 % dans les 10 prochaines années pour répondre à l’électrification des transports et pour alimenter des nouvelles filières plus énergivores comme la production d’hydrogène « vert », l’industrie de la batterie ou les centres de données. Pour répondre à cette augmentation, il faudrait 150 à 200 Térawattheures (TWh) d’électricité supplémentaire, soit une augmentation de plus de la moitié de ce que produit Hydro-Québec actuellement.
La population augmente, c’est donc normal que notre consommation augmente aussi, non? Pas tout à fait : ces 10 dernières années, notre consommation d’énergie a augmenté plus vite que la population. Le nombre de voitures et la taille de nos logements ont continué d'augmenter, demandant encore plus d’énergie pour être construits, pour rouler et pour être chauffés.
Le secteur du transport est particulièrement problématique à cet égard. Le nombre de véhicules a augmenté deux fois plus vite que la population. De plus, nous sommes passées des véhicules plus petits et moins énergivores à des véhicules plus gros, qui consomment plus de carburant et qui demandent plus de ressources pour leur construction. En 2022, 70 % des véhicules sur le marché étaient des VUS et des camions légers à essence, contre 24 % en 1990. En résumé, les nouvelles tendances du marché automobile ont drastiquement fait augmenter notre consommation d’énergie tout en mettant notre sécurité en péril.
2. La moitié de l’énergie que nous consommons provient des sources fossiles et nos énergies renouvelables ne suffisent plus.
Moins de la moitié de l’énergie que nous consommons au Québec provient d’énergies renouvelables comme l’hydroélectricité. 53 % proviennent d’énergies fossiles importées de l’Ouest canadien et des États-Unis, principalement du gaz naturel et du pétrole.
C’est quoi la transition énergétique?
C’est faire passer le secteur de l’énergie d’une production et consommation de combustibles fossiles non renouvelables (charbon, pétrole, gaz) vers diverses formes d’énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydroélectricité). Cette transition permettra de réduire les émissions de GES responsables de la crise climatique et d’atténuer les problèmes de santé comme les maladies respiratoires et certains cancers, liés aux émissions de GES.
Dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par les énergies fossiles et donc limiter la crise climatique, le Québec doit faire une transition vers une économie carboneutre d’ici 2050.
Malheureusement, les surplus d' Hydro-Québec touchent à leur fin. Pour pouvoir consommer une plus grande part d'hydroélectricité et moins d’énergies fossiles, il faudrait construire de nouveaux barrages, parcs éoliens ou photovoltaïques, qui engendreraient un coût majeur et un impact important sur le territoire. Des solutions existent cependant pour libérer de l’énergie disponible à la consommation tout en évitant de construire des barrages et ainsi impacter notre territoire : la sobriété et l’efficacité énergétique.
3. Le gouvernement veut mettre notre énergie au profit du développement économique.
À la place d’avoir une vision de réduction de la consommation, le gouvernement se tourne vers une transition énergétique qui entraînera une augmentation de la demande et de la production d’énergie.
C’est d’ailleurs au cœur du récent projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives pour moderniser le secteur énergétique afin de faire face aux défis énergétiques que le Québec rencontre.
À travers ce projet de loi, le gouvernement Legault souhaite accroître la production d’énergies renouvelables et faciliter la distribution d’énergies fossiles comme le gaz naturel pour promouvoir des projets de développement économique et attirer des entreprises dans la province.
Le contre-coût de l’augmentation de la production d’énergie : une hausse inévitable des tarifs d’électricité. Cela demande de construire de nouvelles infrastructures et de moderniser les infrastructures existantes pour parvenir à augmenter la puissance. Ces coûts retomberont en partie sur le dos des consommateurs et des consommatrices, alors qu'entre 9 et 16 % des ménages québécois sont en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas accès à des services de base comme le chauffage ou l’éclairage.
Dans un contexte de crise socio-écologique, l'avenir de notre énergie ne peut être guidé uniquement par le développement économique.
Des solutions à notre portée pour faire face à ces défis
Nos façons de consommer l'énergie au Québec doivent évoluer pour répondre aux défis de la surconsommation et de notre dépendance aux énergies fossiles. Face à l'urgence climatique, il devient crucial d'adopter une approche collective basée sur la sobriété énergétique, c'est-à-dire consommer mieux et moins.
La bonne nouvelle : plusieurs solutions existent déjà. On pense au transport actif et collectif, et à l'autopartage qui sont des leviers importants pour réduire notre dépendance aux voitures individuelles qui demandent toujours plus d’énergie.
L’efficacité énergétique est aussi une solution centrale pour répondre à ces défis : par la rénovation des bâtiments existants, la construction de nouvelles infrastructures qui mettent l'accent sur l'efficacité énergétique et en optimisant l'isolation et les systèmes de chauffage, nous pouvons diminuer la consommation d'énergie et éviter les pertes d’énergie.
Au lieu de mettre des sommes d’argent astronomiques dans l’augmentation de la production d’énergie, le gouvernement devrait miser sur le développement et le financement d’initiatives de mobilité durable, l'aménagement du territoire, l’économie circulaire, un système alimentaire plus local et plus écologique, qui sont des solutions concrètes à la crise énergétique que nous vivons. Un monde meilleur est possible : il suffit de faire de meilleurs choix collectifs.