Colleen Thorpe
Directrice générale
Publié le
Au cœur de la forêt, un sentier sinueux nous mène près d’un grand érable. Avec son large tronc et ses branches déployées comme des bras ouverts, il impose autant de respect qu’il souhaite la bienvenue. Tout en haut, une chouette rayée y a fait son nid !
Si vous fréquentez le mont Royal, vous avez peut-être eu la chance d’apercevoir cette chouette et d’apprécier la beauté de ce milieu naturel, un véritable joyau pour la population montréalaise. En observant attentivement, vous aurez sûrement aussi remarqué que la montagne est abîmée à plusieurs égards et qu’elle mène un combat épuisant contre des pressions énormes venant de toutes parts.
Si notre fréquentation accrue de la Montagne est signe de succès sur le plan de son attractivité et d’un besoin croissant d’accès de proximité à la nature, le manque de balises et de protection est problématique.
Au cours des dernières années, les sentiers informels se sont multipliés, ce qui nécessite une intervention rapide de la Ville de Montréal afin de stopper l’hémorragie. Notre piétinement excessif détériore les sols et entraîne des problèmes d’érosion affaiblissant la végétation, ouvrant ainsi la porte aux maladies, insectes nuisibles et plantes envahissantes.
Au périmètre du mont Royal, les développements résidentiels, commerciaux et institutionnels grugent petit à petit ce territoire déjà réduit et morcelé. Enfin, les changements climatiques apportent des périodes de canicule de plus en plus intenses et des sécheresses prolongées sous lesquelles la nature éparse perd sa diversité et dépérit.
C’est sans parler des épisodes de verglas, qui mettent à mal toute la canopée. On l’a bien vu la semaine dernière.
Il faut faire vite
Malgré l’attribution du statut de site patrimonial en 2015 et en dépit des efforts de nombreuses organisations pour protéger la montagne, les milieux naturels se dégradent d’année en année. En décembre, lors de la COP15, nous avons accueilli favorablement l’annonce de l’élargissement du parc du Mont-Royal et la réduction des espaces minéralisés, en particulier les stationnements de la maison Smith, mais nous considérons son échéancier trop étendu. Ce plan, d’emblée réjouissant, mettra en effet 20 ans à se concrétiser. Il faut faire plus et plus rapidement !
La classe politique a la capacité d’être agile et de nous inspirer. Pensons au projet de Grand parc de l’ouest qui à terme couvrira plus de 3000 ha dans l’Ouest de l’île de Montréal. Tout cela grâce à une volonté politique forte de l’administration municipale et une mobilisation de la société civile pour la protection des milieux naturels de cet écosystème unique en milieu urbain.
Un plan clair
La science est claire sur le sujet : les espaces boisés et les milieux naturels constituent des îlots de fraîcheur et de véritables poumons au sein des villes. Ils sont incontournables afin de renforcer la résilience de nos milieux de vie face aux impacts des changements climatiques.
Au rythme actuel des changements climatiques, la température de Montréal pourrait augmenter de 3,2 °C d’ici 2050. Qui pourrait vivre avec une fièvre pareille ? Probablement pas la chouette rayée, et certainement pas nous.
La fiche synthèse du Plan de conservation local du mont Royal réalisée par les Amis de la montagne et publiée récemment par la Coalition des Montérégiennes fait état de plusieurs pressions importantes sur la montagne et identifie des actions prioritaires à entreprendre pour les cinq prochaines années. Nous nous réjouissons de cette mobilisation des organismes de conservation et de l’adoption d’une vision élargie pour l’ensemble des Montérégiennes alors que s’amorce la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement.
Le temps est maintenant à l’action : une action ambitieuse, rapide et à la hauteur de l’urgence climatique. Consolidation de la connectivité, augmentation des superficies de milieux naturels, octroi d’un statut de protection légal à perpétuité, il faut agir simultanément sur différents fronts afin d’assurer la santé de ce joyau qu’est le mont Royal.
C’est le plus beau témoignage d’amour que nous pouvons lui faire.
* Cosignataires : Emmanuel Rondia, directeur général du Conseil régional de l’environnement de Montréal ; Alain Branchaud, directeur général, SNAP Québec