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Colleen Thorpe, directrice générale et l’équipe des choix collectifs d’Équiterre: Caroline Brouillette, Jessie Pelchat, Karen Ross et Nadine Bachand
Depuis plus d’un quart de siècle, Équiterre travaille à éviter un choc économique et social causé par les changements climatiques. Aujourd’hui, c’est une autre crise, sanitaire, qui a exposé les vulnérabilités de nos sociétés. Le genre de choc que nous tentions d’éviter nous a rattrapé. Nous vivons un bouleversement sans précédent de nos vies, étourdis par la perte de contrôle sur ce qui définissait notre réalité.
La crise de santé publique causée par le coronavirus a fait naître une crise économique en pleine crise environnementale. Comment nous relever en mettant en place des modèles de société plus durables et plus résilients, pour faire face aux crises futures et atténuer les chocs pour les citoyen.ne.s ? Une façon d’y arriver est de reconnecter les enjeux environnementaux, économiques et sociaux afin que la réponse à la crise sanitaire rendre aussi nos collectivités moins vulnérables face aux crises financière et climatique. Nous suggérons trois principes et trois idées pour y arriver.
Les principes de la relance
D’abord, la santé est la priorité. En plus de protéger la population de la COVID-19, les investissements devraient également servir à protéger la santé publique à plus long terme, par exemple en réduisant la pollution atmosphérique, responsable de milliers de décès prématurés par année.
Ensuite, les gouvernements devraient faire passer les intérêts des travailleurs d’abord. Ce sont eux qui permettent aujourd’hui d’assurer le fonctionnement de base de notre société et de garder la population en santé : c’est aussi par eux que passera le succès de la reprise.
Finalement, les investissements pour redonner de l’élan à notre société devraient nous rendre nos systèmes moins vulnérables, comme face aux prix hautement volatils du pétrole ou à des chaînes d’approvisionnement fortement mondialisées. Voici donc trois idées de redémarrage qui répondent à ces principes.
Une reconstruction des plus énergiques
Les gouvernements du Québec et du Canada ont pris l’engagement d’atteindre le zéro émissions nettes en 2050 : ces engagements ne sont pas seulement de nature environnementale, mais devraient également être la pierre d’assise de nos politiques industrielles.
L’Agence Internationale de l’Énergie analyse que les gouvernements génèrent plus de 70% des investissements mondiaux en énergie : il est temps de mobiliser cette force de frappe économique vers des systèmes énergétiques durables plutôt que de continuer à subventionner les énergies fossiles.
La construction d’une société plus résiliente devrait nous mettre à l’abri de l'incertitude énergétique et nous permettre de tirer profit des abondantes énergies renouvelables à notre disposition, au lieu d’engloutir des fonds publics dans un baril de pétrole brut canadien qui n’est plus compétitif.
Enrichir notre monde… en le nourrissant!
Plus ou moins un quart de ce que nous mangeons est importé, et un cinquième de notre main-d'œuvre agricole vient de l'étranger. Cela contribue à maintenir la nourriture à bon marché, mais nous rend vulnérables à la fermeture des frontières et aux restrictions de voyage.
C'est donc le moment de renforcer notre système alimentaire et de consolider des économies durables et dynamiques sur des bases régionales en investissant dans la formation, l'éducation et la requalification pour développer des forces agricoles locales et régionales.
Nous devons également investir dans la diversification de la production pour un système agricole plus durable, mais aussi un régime alimentaire diversifié et sain. Et pour protéger nos capacités de production à long terme, nous devons investir dans nos programmes agroenvironnementaux, afin que les fondements de notre sécurité alimentaire - sol, eau et biodiversité - soient régénérés.
Un nouvel élan pour nos déplacements
Les gouvernements doivent aussi offrir une aide d’urgence aux sociétés de transport collectif, qui font face à une diminution drastique de leur achalandage, et donc de leurs revenus de fonctionnement pour assurer le déplacement des travailleurs.
Ensuite, il est important de maintenir les investissements prévus dans les projets structurants qui créeront des emplois, auront des effets bénéfiques pour l’environnement et assureront une meilleure mobilité des personnes.
Enfin, le déclin de l’industrie automobile au pays que l’on observe depuis 20 ans ne fera que s’intensifier si le Canada n’agit pas rapidement. Les constructeurs automobiles investissent des milliards pour accélérer le déploiement des véhicules électriques sur le marché. Les gouvernements, par l’entremise de lois et règlements, doivent inciter l’industrie à faire le saut et la soutenir dans cette transition.
Une réponse robuste à un défi historique
Le redémarrage post-pandémie est une occasion historique de bâtir une société plus résiliente. Répondons à la crise de la COVID-19 au meilleur de nos capacités humaines : avec solidarité, créativité et imagination. Cela nous permettra de répondre d’un même coup aux autres crises auxquelles nous faisons face en construisant un avenir sûr et durable.