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Fiche

La déqualiflation : la perte de qualité, au même prix

Publié le 

Qu'est-ce que la déqualiflation?

La déqualiflation (skimpflation) est une pratique commerciale qui consiste à réduire la qualité et la disponibilité des services et produits offerts, sans en réduire le prix. Elle consiste à utiliser des ingrédients moins chers et peut-être même de qualité inférieure pour fabriquer un produit qui semble être le même qu'auparavant, afin de réduire les coûts de production des fabricants. Cette tactique affecte particulièrement notre alimentation puisque les recettes sont reformulées et certains ingrédients sont substitués par d’autres moins chers, entraînant une perte de qualité des produits. De plus, ces changements se font souvent à l’insu des consommateurs et consommatrices.

💡 Bon à savoir

Il ne faut pas confondre déqualiflation et réduflation, qui se traduit par une réduction de la quantité, sans modifier le prix. Un produit peut avoir subi à la fois une déqualiflation et une réduflation, rendant les choix de consommation encore plus confondants.

Tout savoir sur la déqualiflation

D'où vient cette pratique?

La déqualiflation n’est pas un phénomène nouveau. Pratiquée par l'industrie alimentaire, cette stratégie commerciale prend place discrètement - souvent à l’insu des consommateurs et consommatrices - et pour plusieurs raisons. Les évènements climatiques extrêmes, l’inflation, les fluctuations du prix des denrées alimentaires, les pénuries de personnel et la forte demande pour des produits moins chers sont tous des facteurs qui créent des tensions sur les coûts de production des aliments et qui peuvent renforcer l'adoption par les transformateurs de telles pratiques. L’industrie cherche à maintenir sa rentabilité et l’attractivité de ses produits en dépit de ces aléas.

Pour y arriver, certains pourraient être tentés de modifier légèrement les recettes de leurs produits-vedettes afin d'en réduire le coût, souvent au détriment de la qualité nutritive du produit. Par exemple, certaines pratiques consistent à remplacer certains ingrédients par des alternatives moins coûteuses, ou encore à minimiser la part des ingrédients nutritifs les plus dispendieux. La réduflation et la déqualiflation sont des exemples de ces tactiques jugées trompeuses, qui soulèvent de grandes préoccupations.

Quel est le problème?
  • La liste d’ingrédients est modifiée sans que le changement ne soit clairement mis en évidence.

  • Les changements sont difficiles à détecter. Ex : eau ajoutée à la liste d’ingrédients.

  • Les changements apportés ne sont pas signalés sur l’étiquetage, outre la liste d'ingrédients.

  • Les substitutions ne considèrent pas la qualité nutritive globale.

  • Le prix demeure le même malgré la baisse de qualité du produit.

Dans un environnement commercial complexe où les gens sont sur-sollicités et la plupart des décisions de consommation sont le résultat d’automatismes, il est extrêmement difficile pour les consommateurs et consommatrices de détecter des changements dans la qualité et la quantité des produits achetés de façon habituelle. De manière générale, les gens n’ont pas les outils nécessaires ni le temps pour passer au peigne fin la liste d’ingrédients, de vérifier leur proportion, la quantité, le poids, encore moins de les comparer à leurs versions précédentes, si ces changements ne sont pas rendus suffisamment visibles et transparents par l'industrie alimentaire.

Comment les consommateur(-trice)s peuvent déjouer ce phénomène?

En bref, on peut se fier aux recommandations du plus récent Guide alimentaire canadien, qui met l’accent sur la saine alimentation et encourage la consommation d’aliments peu ou pas transformés.

On peut éviter les produits hautement transformés riches en gras saturés, sucres et/ou en sodium. Par exemple, certains produits ultra-transformés tels que des barres granola, yogourts, crème glacée, de la garniture à tarte et bagels.

❓ Le saviez-vous

Certains fabricants ont fait marche arrière en matière de déqualiflation. C’est le cas de la tartinade au beurre de Smart Balance qui a retrouvé sa recette originale suite aux commentaires négatifs reçus.

☝🏼 À retenir

Qu’ils soient déqualifiés ou pas, la plupart des aliments ultra-transformés ont tendance à être néfastes pour la santé et pour l’environnement.

Des exemples concrets de déqualiflation

  • Remplacement du chocolat par un enrobage chocolaté fait à base d’huile de palme dans les barres tendres.

  • Substitution d’huiles végétales par de l’huile de palme, une huile peu coûteuse à produire, très saturée et ayant des implications graves aux niveaux social et environnemental lors de sa production.

  • Baisse de la proportion de vrais fruits dans le yogourt.

  • Utilisation de « simili-bleuets » dans les bagels.

  • Introduction de farines plus transformées (telles que les farines raffinées plutôt que les farines entières), moins chères et moins nutritives dans les pains et les pâtes.

  • Ajout d’eau pour diluer les préparations et/ou diminuer la quantité de gras utilisé (ex. : soupes, garnitures de tartes, crème glacée).

  • Substitution de produits laitiers par des substances laitières.

Est-ce légal?

Les fabricants peuvent modifier leurs recettes sans avertissement. Quant au tableau de la valeur nutritive, l’Agence canadienne d'inspection des aliments tolère une marge d’erreur de 20 %, laissant une bonne place légale aux changements. Seule l'introduction d’allergènes doit être signalée. La déqualiflation n’est donc pas illégale mais il s’agit d’une tactique commerciale opaque qui pourrait engendrer un climat de méfiance puisque les changements sont faits à l’insu de la population. Les conséquences de la déqualiflation ne sont pas anodines.

Les modifications de recettes (procédés de production et/ou nature et quantité d'ingrédients) sont des pratiques qui sont légales, et même très courantes dans la transformation alimentaire. Ces modifications peuvent être pratiquées pour une variété de raisons qui peuvent être de nature technologique (exemple : nouveau processus de conservation qui permet de se passer d'un agent de conservation), réglementaire (ex : interdiction d'un ingrédient), ou encore pour répondre aux évolutions de goûts des consommateurs et consommatrices (ex. évolution de l'appétence pour les épices, pour le sucre, etc.).

Le problème se pose dès lors qu'il s'agit de raisons exclusivement économiques (réduire les coûts) et que ces modifications affectent la valeur nutritive effective des produits. Mais surtout, le problème intervient lorsque ces changements ne sont pas faits de façon transparente auprès du marché! Autrement dit, lorsque la valeur réelle du produit chute à l'insu des gens, qui continuent à payer le produit au même prix. Ainsi, il y a une réduction du rapport qualité/prix sans que les personnes qui les consomment n'en soient averties.

Quels sont les impacts de la déqualiflation?

Sur notre portefeuille

Le principal inconvénient de la déqualiflation est le fait qu'on achète au même prix des produits de moins bonne qualité. À plus large échelle, la déqualiflation soulève des préoccupations concernant l’effritement du pouvoir d'achat et la volatilité du système bioalimentaire. Cette instabilité se répercute par la hausse des prix et/ou par la mise en place de pratiques commerciales opaques qui maintiennent l’illusion de bas prix.

Ces modifications peuvent être pratiquées pour une variété de raisons qui peuvent être de nature technologique, par exemple, des nouveau processus de conservation qui permet de se passer d'un agent de conservation, les réglementaire comme l’interdiction d'un ingrédient, ou encore répondre à des évolutions des goûts de la population, comme l’évolution de l'appétence pour les épices, pour le sucre, etc.

Sur notre santé

La déqualiflation peut avoir des impacts négatifs sur notre santé. Si les changements apportés aux recettes sont faits au détriment d’ingrédients de qualité, réduisant l’apport nutritif dont les protéines et les minéraux au profit de sucres, additifs, sel, gras saturés et autres ingrédients de remplissage, on peut imaginer sans difficulté les conséquences possibles sur notre panier d’épicerie, et donc sur notre santé. Un panier d’épicerie hebdomadaire qui nourrit moins bien, qui coûte aussi cher, sans qu’on s’en aperçoive!

Par exemple, des changements aux ingrédients composant le plat familial favori pourraient entraîner une réduction de sa teneur en protéines, sans avertissement. Des carences en nutriments peuvent apparaître au fil du temps, et à l’inverse entraîner une surconsommation de gras saturés, de sucre et de sel. Ces changements insidieux, à long terme, peuvent mener à un déséquilibre des apports nutritionnels et affecter la santé globale.

Sur notre confiance

La déqualiflation soulève des enjeux importants de transparence concernant l’intégrité des produits disponibles à l’épicerie. Bien que les changements ne soient pas toujours perceptibles, les consommateurs et consommatrices ne sont pas dupes. Radio-Canada a mené une enquête sur le sujet et plusieurs internautes ont fait part d’observations liées à la réduflation : « le produit ne goûte plus comme avant, sa consistance a changé, il est plus liquide d’avant », etc.

😯 Un cas flagrant!

Selon cette même enquête de Radio-Canada, la recette des barres granola de la marque Quaker a été modifiée afin de remplacer le chocolat au lait par un enrobage chocolaté fabriqué d’huile de palme. Le taux de gras saturé a augmenté de 40 % et les protéines ont baissé de 50 %. À éviter pour la boîte à lunch des enfants!

Est-ce que l'industrie pourrait faire autrement?

Oui! Plusieurs pistes de solution sont possibles pour améliorer les pratiques de l’industrie. En voici quelques unes parmi tant d’autres à découvrir :

Plus de transparence

Informer le public des changements apportés à la composition des produits, en l’indiquant clairement sur la face avant de l’étiquette (ex. changement de recette, nouvel ingrédient, etc), dans la liste d’ingrédients et dans le tableau de la valeur nutritive. En s'assurant que ces informations soient visibles sur l’étiquette, que la taille de la police soit adéquate selon la réglementation, l’industrie se positionnerait comme alliée et faciliterait les choix des consommateurs et consommatrices.

Améliorer l’étiquetage

L’industrie doit prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux nouvelles règles d’étiquetage, pour lesquelles la date limite d’application est le 1er janvier 2026. Un symbole nutritionnel sur le devant de l'emballage sera exigé pour les aliments ayant une teneur élevée en sodium, sucre et/ou gras saturés. L’important serait que le secteur publique, voire Santé Canada, outille parallèlement la population à mieux comprendre ce nouvel affichage et à détecter les fausses informations.

Comment déjouer ce phénomène?

  • Cuisinez soi-même à partir d’ingrédients de base, qui ne peuvent pas être substitués à votre insu!
  • Préférez les produits qui ont une liste d’ingrédients courte et qui sont reconnaissables.
  • Lisez les étiquettes, vérifiez les ingrédients, consultez le tableau de la valeur nutritive; c’est une bonne habitude à développer!
  • Consultez des sites et livres de recettes pour vous inspirer et vous donner le goût de cuisiner. En plus c’est économique! Un exemple : https://www.glouton.app/fr/
  • Parlez-en! Lorsque vous êtes témoin d’un cas de déqualiflation, communiquez avec la compagnie (courriel ou médias sociaux) pour leur faire part de votre mécontentement. Dites-le à vos proches, informez les membres de réseaux et de groupes d’intérêt qui traitent d’alimentation et de consommation. Si personne n'agit, rien ne changera. Votre parole compte et vous avez plus de pouvoir que vous le pensez!