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Il n’y a pas si longtemps, les milieux de vie étaient développés de façon circulaire, avec l’école, le bureau de poste, l’église et les commerces locaux en son centre, et les maisons et les fermes autour de ce noyau. Cette proximité des services était propice pour les déplacements à pied, une économie locale florissante et un esprit communautaire renforcé.
Depuis, la façon dont nous construisons nos milieux de vie a évolué. La démocratisation de l’automobile a permis le choix de développer des milieux de vie moins denses pour ceux qui en avaient les moyens. Cet étalement urbain a occasionné des enjeux importants : la perte des services de proximité, l’empiètement sur les milieux naturels et agricoles, des infrastructures routières démultiplliées et la dépendance à l’automobile.
Ceux qui profitent de ces milieux de vie moins denses ne se rendent souvent pas compte des conséquences de ces enjeux, ni du fait que ce sont les populations les plus vulnérables qui sont souvent les plus affectées par ces conséquences - qui se retrouvent dans des quartiers enclavés par des autoroutes, avec moins de ressources pour se déplacer, qui respirent cet air pollué.
La vocation principale de l’aménagement du territoire devrait être le bien-être durable de nos communautés au sein d’un espace de vie sain et sécuritaire, et ce pour toute la population. Mais les décisions sur l’aménagement de notre territoire ont évolué plutôt vers des modèles qui privilégient la performance économique, ne tenant pas compte des questions d’équité.
Depuis des décennies, il y a eu un manque de réflexion et d’encadrement du gouvernement sur l’étalement urbain et ses lourdes conséquences sur notre environnement, notre santé, notre sécurité et bien-être collectifs, particulièrement chez les personnes à faible revenu.
Trop de décisions ont été prises en silo et il y a beaucoup de rattrapage à faire. Nous devons tous nous préoccuper! Et c’est le moment de nous mobiliser.
Une opportunité pour nous mettre sur le bon chemin
Le gouvernement du Québec a mené une vaste consultation sur l’aménagement des villes, régions et territoires du Québec, avec l’objectif de définir une nouvelle stratégie d’aménagement cohérente pour la province. Plusieurs ministères et associations professionnelles, économiques et municipales y ont participés et les citoyens et citoyennes et groupes ont pu se joindre à la conversation lors des consultations publiques.
Équiterre a participé aux consultations publiques et travaille avec ses collaborateurs à influencer les décideurs et décideuses afin d’enclencher des changements systémiques importants prometteurs pour notre avenir socio-environnemental.
Voici les éléments de base de l’aménagement du territoire en regardant de plus près les causes et les enjeux de l’étalement urbain.
MIEUX COMPRENDRE LE PHÉNOMÈNE DE L'ÉTALEMENT URBAIN
L’étalement urbain : comment sommes-nous rendus ici? :Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des sociétés de l'Amérique du Nord, dont le Québec, ont fait le choix de transformer la façon d’occuper le territoire, faisant place à des villes plus étalées, des banlieues éloignées des centres, et des quartiers monofonctionnels et peu denses. Un élément clé de ce virage : la démocratisation de l’automobile.
Perpétuer le développement de cette forme urbaine, comme on le fait au Québec, entraîne inévitablement une augmentation de notre dépendance à l’automobile et de notre consommation de pétrole, en plus d’engendrer d’énormes dépenses en infrastructures publiques, notamment en matière de développement du réseau routier et autoroutier.
Une relation dynamique lie l’aménagement du territoire et le mode de transport privilégié par la population : « Plus on planifie pour l’automobile, plus elle devient nécessaire pour se déplacer. »
(Association du Transort Urbain du Québec (ATUQ), 2010,)
Une urbanisation étalée augmente les distances à parcourir, ce qui provoque une utilisation massive de l’automobile. L’augmentation de la circulation automobile cause alors une congestion de plus en plus importante, à laquelle les gouvernements répondent en développant des réseaux routiers et autoroutiers tentaculaires, desservant des zones périphériques toujours plus éloignées des centres-villes.
C’est ici que le cercle vicieux s’enclenche, car en augmentant la capacité autoroutière dans le but de diminuer la congestion, on obtient l’effet inverse à celui escompté. Profitant des voies rapides qui réduisent leur temps de déplacement, les ménages s’installent dans les secteurs encore plus éloignés, créant ainsi de nouveaux besoins en déplacement. C’est ce que l’on appelle la demande induite.
3 conséquences problématiques de l’étalement urbain
1. Empiétement sur le territoire naturel et agricole :L’étalement urbain se traduit par un empiètement marqué sur le territoire naturel et agricole.
Malgré la Loi sur la Protection du territoire et des activités agricoles, adoptée il y a 40 ans, nos terres nourricières continuent de disparaître année après année en raison de l'étalement urbain et de l'activité de spéculateurs financiers et immobiliers. Plus de 35 000 hectares ont été artificialisés au cours des 20 dernières années.
Les terres agricoles cultivables représentaient seulement 2 % du territoire québécois en 2020. La rareté des terres cultivables fait grimper les prix, ce qui entraîne davantage de spéculation et nuit à leur accessibilité pour les producteurs et productrices agricoles. Une fois ces terres recouvertes d’asphalte, nous ne pouvons plus récupérer ces sols vivants et fertiles.
Pour ce qui est des milieux naturels, l’expansion industrielle, l’intensification des pratiques agricoles et l’accélération de l’étalement urbain ont entraîné depuis 1980 la perte irrémédiable de plusieurs habitats écologiques et des milieux humides et riverains, partout au Québec.
Cette destruction des milieux humides et riverains accélère la disparition d’espèces menacées et entrave la circulation de la faune par le morcellement de son habitat naturel. Il accroît aussi la vulnérabilité des collectivités aux aléas météorologiques tributaires de la crise climatique.
Dans les quartiers moins denses, les services et commerces sont souvent inaccessibles autrement qu’en voiture. On retrouve peu de trottoirs, des rues mal connectées et des quartiers enclavés par des voies routières.
Dans des régions développées via l’étalement urbain, les centres d’achats sont parfois construits en même temps que la région. Ils privilégient souvent les magasins de grandes surfaces au détriment des commerçants-es et artisans-es locaux et donc de la vitalité de l’économie locale.
En plus, beaucoup de gens désertent les rues commerciales des centres-villes anciens au profit des centres d’achat, ce qui entraîne ainsi la mort des petits commerces.
Les conséquences directes de l’étalement urbain sur les quartiers ne sont pas qu’économiques et sociales : en ajoutant toujours plus de béton on ajoute également plus de chaleur et on enlève l'imperméabilité du sol. L’étalement urbain augmente en effet les îlots de chaleurs urbains et le risque d’inondations en raison de l’imperméabilisation du sol déficiente dû au pavage des routes et des stationnements.
3. Moins d’infrastructures de transport collectif et actif pour la population :En raison de la faible densité de population, il devient très cher, même parfois impossible, d’y offrir des services de transport collectif rapides et attrayants.
En dehors des plus grosses villes, le transport collectif demeure marginal et les opportunités de se déplacer à pied, à vélo ou sous d'autres formes de transport actif sont limitées. En 1971, environ 80 % des enfants canadiens de 7-8 ans marchaient pour se rendre à l’école. Au fil des années, il y a eu une diminution drastique du transport actif chez les enfants d’âge scolaire.
Habiter dans des quartiers où avoir une voiture est indispensable est aussi problématique pour la santé notamment à cause des émissions de GES et de la sédentarité des automobilistes. Alors que le transport actif et collectif est généralement meilleur pour la santé de tous et toutes, où l'on doit bouger pour se déplacer.
merci d'avoir participé à la conversation nationale avec nous
Pour Équiterre, il faut mettre fin à la vision en silo qui guide encore les politiques publiques québécoises et adopter une vision intégrée des transports, de l’agriculture et de l’aménagement du territoire, qui considère toute la population.
La conversation nationale a été une occasion de faire valoir nos préoccupations et nos souhaits pour des milieux de vie durables et résilients, axés sur la qualité de vie, la santé et la justice sociale.
Restez à l’affût pour plus de renseignements sur comment participer. Bâtissons la résilience de nos communautés, de notre territoire, ensemble!
Pour en savoir plus :
- L’aménagement du territoire est à la base de la vision d’Équiterre sur la réduction des GES du secteur des transports (qui représente 43 % de nos émissions de GES!) : l’approche éviter-transférer-améliorer.
- Dossier complet sur le dézonage agricole
- Lettre ouverte de Colleen Thorpe : Il y aura toujours une bonne excuse pour dézoner des terres agricoles
- Projet du 3e lien à Québec : Six organisations lancent une pétition contre le projet dans le cadre de la mobilisation nationale Non au troisième lien
- 43 recommandations d'Équiterre pour la nouvelle Stratégie Nationale d'Urbanisme et d'Aménagement des Territoires (SNUAT)
- Aménagement du territoire : l'UPA, Équiterre, la Fondation David Suzuki et Vivre en Ville inquiètes pour l'avenir alimentaire du Québec