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MONTRÉAL, 13 novembre 2024 — Une nouvelle étude commandée par les organismes Équiterre, Environmental Defence et la Fondation David Suzuki a révélé un constat accablant pour l’industrie automobile : les ventes grandissantes de gros véhicules neufs plus polluants — comme les VUS et les camionnettes — ont annulé plus de 80 % de la réduction de la consommation moyenne de carburant obtenue grâce à des moteurs plus écoénergétiques entre 2010 et 2022 au Canada.
Bref, en calquant sa réglementation en matière d’efficacité énergétique des véhicules sur celle des États-Unis et son Agence de protection de l’environnement (EPA), le gouvernement permet actuellement aux constructeurs automobiles de vendre en toute impunité des véhicules plus polluants s’ils sont plus grands ou plus lourds. Ces failles ont eu pour effet de les encourager à augmenter la taille et le poids des véhicules et à déplacer les ventes de voitures vers les VUS : une manipulation dommageable du système.
Ce laxisme s’avère lourd de conséquences puisque ces véhicules, tels que les VUS et pick-ups, consomment en moyenne 30 % plus de carburant que les voitures à essence. Ils ont aussi un impact négatif sur la sécurité routière et nuisent grandement aux finances des familles canadiennes par leur coût de plus en plus élevé. Cette politique réglementaire basée sur celle des États-Unis met en évidence l’impact des résultats de l’élection présidentielle américaine sur la politique climatique, la sécurité routière et le coût de la vie au Canada.
L’étude emploie une modélisation économique afin d’explorer les différentes solutions qui permettraient de combler ces failles réglementaires de même que leur efficacité dans le contexte des nouvelles règles sur les émissions des véhicules appliquées au Canada, y compris la norme sur la disponibilité des véhicules électriques (norme VZE), qui vise à vendre 100 % de véhicules zéro émission d’ici 2035, et la dernière réglementation présentée par le président Biden sur les normes d’émissions des véhicules en mars 2024. Le président Trump a toutefois promis de supprimer la réglementation de M. Biden, comme il l’avait fait pour celles du président Obama lors de son dernier mandat.
Les principaux constats de l’étude, menée par l’équipe START (Sustainable Transportation Action Research Team) de l’université Simon Fraser, sont les suivants :
La norme canadienne sur la disponibilité des véhicules électriques, qui vise à augmenter les ventes de véhicules à zéro émission à 100 % du marché des véhicules neufs d’ici 2035, est la politique réglementaire la plus efficace pour réduire les émissions de carbone des véhicules. Si le Canada ne disposait pas de cette réglementation et s’en remettait uniquement aux normes de pollution de l’EPA, les émissions seraient cumulativement supérieures de 84 millions de tonnes d’ici à 2035, ce qui équivaut à l’ajout de plus de 21 centrales au charbon au réseau ou aux émissions de 25 millions de voitures pendant un an. La norme canadienne est d’autant plus essentielle devant le risque de suppression des réglementations Biden, ou leur affaiblissement par le président Trump.
Les détails de conception des réglementations relatives à l’efficacité énergétique des véhicules peuvent avoir un effet significatif sur la part de marché des voitures par rapport aux camions légers (VUS et camionnettes) au Canada. La modélisation indique que des changements de politique réglementaire tels que la reclassification des VUS en tant que voitures plutôt qu’en tant que camions légers aux fins des normes d’émission entraîneraient une variation de 8 points de pourcentage de la part de marché globale des véhicules neufs (la part de marché des voitures vendues augmentant de 4 % et la part de marché des camions légers vendus diminuant de 4 %).
L’étude a modélisé l’introduction d’une exigence d’efficacité énergétique pour les véhicules électriques afin d’encourager la réduction de la taille des véhicules et d’augmenter l’offre de modèles de véhicules électriques compacts et abordables. Le constat étant que cela entraînerait une variation de 18 % de la part de marché, les parts de marché des voitures électriques augmenteraient de 9 % et les parts de marché des camionnettes et VUS électriques diminueraient de 9 %.
Citations :
Blandine Sebileau, analyste en mobilité durable chez Équiterre :
« La preuve est accablante : les gains d’efficacité des moteurs de véhicules — un vieil argument de l’industrie automobile pour légitimer l’augmentation de la taille des véhicules — sont un mythe à l’échelle du Canada. Tant qu’on n’acceptera pas de considérer la taille de notre parc automobile dans son ensemble, et de s’attaquer à sa démesure, les efforts technologiques pour améliorer les moteurs seront vains. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de remédier à la situation, tout en faisant chuter les coûts des véhicules électriques de 28 % d’ici 2035, et sans toutefois impacter les profits des fabricants automobiles. »
Nate Wallace, responsable du programme de transport propre chez Environmental Defence :
« Cette étude prouve que les normes d’émissions des véhicules américaines et canadiennes présentent des failles si grandes qu’on pourrait s’y promener en camion! Quand les constructeurs automobiles peuvent contourner les normes d’émissions en manipulant le système avec des véhicules plus grands et plus lourds, ce sont les familles qui en paient le prix en remplissant leur réservoir d’essence plus souvent, en respirant un air plus pollué dans des rues plus dangereuses pour les piétons, les cyclistes et les jeunes enfants. Lorsque le Canada adoptera les normes de pollution des véhicules de l’EPA, le gouvernement fédéral devrait examiner de près les options politiques disponibles pour combler ces failles et envisager d’appliquer des normes d’efficacité aux véhicules électriques afin d’améliorer leurs avantages en matière de coût de la vie pour les familles canadiennes. »
Thomas Green, conseiller principal en matière de politiques climatiques à la Fondation David Suzuki :
« Cette étude souligne l’importance de la norme canadienne sur la disponibilité des véhicules électriques dans l’atteinte des objectifs de réduction des émissions au pays. Le maintien des normes canadiennes doit faire l’objet d’un consensus politique entre tous les partis afin de garantir la réduction des émissions extrêmement élevées du secteur des transports, malgré les échappatoires américaines qui ont miné nos progrès jusqu’à présent. La norme est une protection contre les probables reculs de la politique d’efficacité énergétique qui se profilent à l’horizon sous l’administration Trump. »
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