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Face à la crise dans lequel se trouve tout le secteur des transports, que ce soit le déficit d'entretien du réseau routier ou le financement du transport en commun, il est important de revenir sur la contribution des différents bénéficiaires, notamment les automobilistes, afin de rectifier quelques idées reçues et déboulonner certains mythes.
Si la contribution des automobilistes est significative dans le développement des infrastructures de transport collectif, l’idée que les frais automobiles financent seuls le manque à gagner des opérateurs de transport collectif est une fausseté qui illustre une méconnaissance du financement des transports. En 2023, les frais automobiles représentent au maximum 5,6 % du budget d’exploitation des transports collectifs du grand Montréal. Ceux-ci étaient à 8% en 2001, en déclin constant et pourraient n’atteindre que 3% selon la CMM. Les taxes sur l’essence – qui sont parmi les plus faibles du monde occidental– et les autres frais exigés des automobilistes servent majoritairement au maintien et au développement du réseau routier, lequel souffre d’ailleurs d’un déficit d’entretien de 10 milliards de dollars.
Si ce ne sont pas les automobilistes, qui paie donc majoritairement pour faire rouler le transport collectif ? Ce sont largement les municipalités (principalement par les taxes foncières), le gouvernement (par la taxe de vente et les impôts) et les utilisateurs du transport collectif qui assument la croissance des dépenses d'exploitation.
Les propriétaires automobiles du Québec peuvent se considérer chanceux : en Ontario, c’est le transport collectif qui collecte la grande majorité des revenus des frais automobiles, plutôt que le réseau routier. C’est cohérent, car – faut-il le rappeler – les personnes qui se déplacent en automobile bénéficient du transport en commun, qui réduit la circulation et améliore la qualité de vie.
Pour assurer la croissance de l’offre de transport collectif, nous sommes tous d’accord, l’heure est à la diversification des sources de financement. Encore faut-il respecter la capacité de payer de tous, automobilistes, propriétaires ou usagers. Face à des moyens limités, il faut investir dans les moyens de transport les plus efficaces, les plus économes. En ce sens, chaque kilomètre parcouru par un citoyen lui coûte en moyenne 0,95 $, que ce soit un véhicule personnel ou le transport en commun. 5,46 $ sont toutefois assumés par la société pour utiliser un véhicule privé, cinq fois plus que le 1,14 $ pour le transport collectif. C’est sans compter les généreux crédits pour l’achat de véhicules électriques ou les 600 M$ de surplus de la SAAQ remis sous la forme de rabais sur le permis de conduire.
En d’autres termes, l’usage de la voiture est bien plus largement subventionné que celui du transport collectif, et ce même par les contribuables qui ne possèdent pas de voiture ou utilisent très peu le réseau routier. Continuer à ajouter des voitures sur les routes est ainsi une option collectivement bien trop coûteuse pour être considérée. Il faut se donner les moyens d’offrir un réseau performant, une alternative tangible au trafic, au plus grand nombre de Québécois possible. Pour y arriver, un financement équitable passe par une tarification de l’usage de la voiture reflétant cette réalité.
Cette lettre d'opinion a d'abord été publiée dans La Tribune, le 3 décembre 2023
Signataires :
- Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec
- Marie-Soleil Gagné, directrice générale d’Accès transports viables
- Stéphanie Harnois, spécialiste aux communications et affaires publiques à la Fondation David Suzuki
- Florence Junca-Adenot, professeure à l’UQAM
- Jean-François Rheault, Président-directeur général de Vélo Québec
- Emmanuel Rondia, directeur général du Conseil régional de l’environnement de Montréal
- Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville
- Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec
- Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec
- Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre