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Qu'est-ce que la réduflation?
La réduflation est une contraction des mots « réduction » et « inflation » aussi connue sous le nom de shrinkflation ou downsizing en anglais. C’est une stratégie commerciale souvent adoptée dans un contexte d’inflation, qui consiste à réduire la quantité et ou le format d’un produit sans réduire son prix de vente.
Contexte
Cette pratique est utilisée depuis des lunes par l’industrie alimentaire qui tente de rejoindre les préoccupations des consommateurs et consommatrices, en maintenant le prix des aliments bas - le coût étant le critère le plus important dans le choix des aliments, selon plusieurs études dont un sondage pancanadien réalisé par le gouvernement fédéral en 2023.
💰 70 % des consommateur(-trice)s changent leurs habitudes alimentaires
Un sondage pancanadien réalisé par le gouvernement fédéral en 2023 montre que 70 % des consommateur(-trice)s déclarent avoir modifié leurs habitudes d’achat d’aliments au cours de l’année écoulée en raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires.
Une étude de la Harvard Business School a d’ailleurs démontré que les consommateurs et consommatrices remarquent davantage une augmentation de prix qu’un changement dans la quantité d’un produit.
Or, cette tactique subtile de réduflation, qui s’apparente à la déqualiflation (qui consiste en l'utilisation d'ingrédients moins chers et souvent de moindre qualité dans la fabrication de produits afin d'économiser sur les coûts de production) ne passe plus inaperçue quand elle est mise en place dans un contexte économique difficile et crée des remous chez les consommateurs et consommatrices. Le manque de transparence est pointé du doigt car les changements semblent être orchestrés afin de passer sous le radar. De plus en plus de cas font leur apparition à l’épicerie mais l’ampleur du phénomène reste difficile à mesurer.
La situation est en train de changer. La réduflation est de plus en plus médiatisée et des initiatives signalent la réduction insidieuse de formats.
C’est le cas du blogue d’Edgar Dworsky, avocat et cofondateur de Consumer World, qui présente chaque semaine les plus récents cas de réduflation aux États-Unis sur son blogue mouseprint.ca.
Ici, une équipe de Radio-Canada a enquêté sur le sujet et identifié 300 produits qui ont subi une réduction de format au cours des 20 dernières années.
Sans compter Option consommateurs qui se penche sur le sujet depuis 10 ans. Ces exemples témoignent d’une situation problématique qui doit changer.
Plus inquiétant encore :
Plusieurs spécialitses, tels que Maryse Côté-Hamel, professeure en sciences de la consommation à l'Université Laval, Sylvie De Bellefeuille avocate chez Option consommateurs, et autres, affirment que la réduflation change la norme dans l’industrie. C’est l’effet d'entraînement qui opère : lorsqu’un un premier fabricant applique cette tactique, les marques concurrentes vont emboîter le pas peu de temps après. Et une fois que les consommateurs et consommatrices a accepté (ou digéré) le changement, cela devient le prix normal ou le prix plancher.
Comment repérer cette tactique?
De manière générale, les produits emballés sont plus susceptibles de subir une réduflation. Leur emballage fait en sorte que le retrait est moins visible du premier coup d'œil. Trois tactiques sont observées :
- L’emballage extérieur est conservé, mais le contenu est réduit à l'intérieur : cela devient du suremballage et on finit par le remarquer.
- L’emballage est légèrement modifié. La nouvelle bouteille est plus effilée, mais elle contient moins de sauce tomate. Dans ce cas précis, le nouveau format donne même l’illusion d’en contenir plus.
- Une refonte complète de l’emballage donne l’impression qu’il s’agit d’un nouveau produit et ainsi dévie l’attention ailleurs que sur la perte de quantité.
Exemples de produits réduits
Le bacon, le fromage en bloc, râpé ou en tranches, les barres granolas, les sacs de chips, les gâteaux de type Vachon, les biscuits sucrés et salés, les yogourts et bien plus de produits sont passés sous le couperet au fil des années.
Radio-Canada a constitué une base de données qui recense les formats réduits. Certaines réductions sont minimes, d’autres plus flagrantes. Parmi celles-ci, on retrouve des réductions allant de 20 % à 40 % du format original! C’est presque la moitié qui est retranchée…. pour le même prix! En moyenne, les 300 produits recensés par Radio-Canada ont subi une réduction de 14,3 %.
La multiplication de formats disponibles sur les tablettes crée aussi de la confusion chez les consommateurs et consommatrices. Une même marque peut offrir des produits similaires, dans la même boîte, mais en quantités différentes (ex. céréales Kashi). D’une marque à l’autre, les contenants peuvent sembler identiques sans pour autant contenir la même quantité (ex. trois marques de yogourt).
Pour s’y retrouver dans cet univers de stratégies marketing, il faudra se lever tôt!
😳 71 % des aliments emballés sont ultra-transformés
Une bonne approche pour boycotter la réduflation serait d'éviter simplement de consommer des aliments ultra-transformés.
Est-ce légal?
Pour l’instant, aucune loi n’encadre clairement ou n’empêche la réduflation. La seule obligation légale pour les fabricants est d’indiquer la quantité, en poids ou en volume, sur le devant de l’emballage.
En ce qui a trait à l’emballage, en théorie, les fabricants n’ont pas le droit de vendre un produit dans un contenant plus gros que nécessaire. En réalité, les entreprises justifient le changement d'emballage par toutes sortes de raisons, notamment pour protéger les aliments (ex. ajout d’air dans les sacs de chips), pour prolonger la durée de conservation, pour améliorer l’ergonomie et d'autres raisons techniques ou esthétiques.
Pourquoi s’en préoccuper?
L’impact est d’abord financier car les consommateurs et consommatrices en ont moins pour leur argent.
La réduflation augmente la complexité de l'environnement alimentaire, ce qui peut mener à une priorisation des économies au détriment de la qualité alimentaire.
Le format réduit peut changer de fourchette taxable; on paye encore plus cher pour le même produit…réduit!
Réduire le contenu et non le contenant crée de l’espace perdu et du suremballage, ce qui incompatible avec la transition écologique.
Les formats deviennent moins pratiques pour cuisiner. Beaucoup de recettes réfèrent à des formats courants et facilement accessibles à l’épicerie (ex. un contenant de fromage ou une conserve de tomate).
La confiance envers l’industrie agroalimentaire s’effrite dû à la non transparence de ces pratiques.
Faire autrement, c’est possible!
Certaines entreprises ont misé sur la transparence en informant leur clientèle des changements apportés à leur produits. C’est le cas de Cadbury, Ben & Jerry’s et Toblerone qui ont diffusé sur les médias sociaux ou leur site web des messages expliquant les réductions. Une approche plutôt rare mais qui gagnerait à être adoptée plus largement.
Option consommateurs a recommandé dans un rapport de 2013 de forcer les manufacturiers à afficher sur le devant de l’emballage, un changement de de formats pendant au moins 6 mois. Le Brésil avait déjà adopté cette mesure… en 2002! Des initiatives allant dans ce sens ont été mises en place ou sont en voie de l’être en France, en Allemagne, en Corée du Sud et en Hongrie. Au Canada, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, François-Philippe Champagne, s’intéresse à l’idée mais ne peut pas aller de l’avant sans la participation des provinces et de l’industrie. À suivre donc.
Le phénomène est aussi dénoncé sur la place publique : un pas dans la bonne direction. Le gouvernement canadien se montre aussi très préoccupé par le phénomène et questionne l’industrie sur ses pratiques et leur demande des comptes en plus de financer des projets de recherche sur le sujet. D’ailleurs, plusieurs organisations ont été mandatées pour identifier des pistes de solutions, dont Équiterre qui se penche sur des solutions concrètes pour faire des choix alimentaires abordables, sains et durables.
Mode d’emploi pour éviter la réduflation
Achetez en fonction du prix par unité
Achetez en fonction du prix par unité, par 100g ou au 100ml. Selon Option consommateurs, l’affichage par prix de mesure est le moyen le plus efficace pour identifier l’option la plus économique. Au Québec, il est obligatoire d’indiquer cette information sur l’étiquette située sur la tablette associée au produit ou directement sur le produit.
Achetez des aliments entiers, peu emballés
Achetez des aliments entiers, peu emballés une autre astuce pour mieux contrôler le ratio quantité-prix. Par exemple, achetez des pommes plutôt que de la compote. Et donc, évitez de consommer des aliments ultra-transformés.
Restez à l'affût des aliments saisonniers
C'est également une bonne pratique de les cuisiner en grandes quantités afin de pouvoir conserver ou congeler.
Soyez un(e) consommateur(-trice) averti(e)
Développez l’habitude de lire et d’analyser les étiquettes, dans un marché où les formats se sont multipliés. Après tout, vous faites des choix qui affectent directement votre portefeuille, votre santé et celle de la planète. C’est un temps bien investi! Comparez les choix offerts, magasinez du côté des marques génériques, optez pour des formats plus grands - qui pourraient offrir un meilleur prix unitaire.
Modifiez ou repensez vos comportements lorsque vous faites l’épicerie
Changer de marque de produit ou changer de bannière pourrait s’avérer très économique. Achetez les produits qui sont en solde, consultez les circulaires et utilisez les coupons rabais offerts.
Privilégiez les aliments en vrac
Privilégiez les aliments en vrac afin de contrôler le ratio quantité-prix et d’acheter la quantité souhaitée. Vous évitez ainsi les emballages, un + pour la planète!
Utilisez des applications pour économiser et contrer le gaspillage
Utilisez des applications pour économiser et contrer le gaspillage alimentaire, comme Foodhero, Flashfood, Too Good To Go, Sauvegarde, Improove ou Marché SecondLife.
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